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jeudi 16 décembre 2010

Maria

N'ayant pas le temps en ce moment de finir d'écrire mon prochain billet, j'ai pensé à vous faire partager cette superbe chanson de Ferrat, que la plupart d'entre vous connaissent sans doute déjà. Il s'agit d'une évocation de la guerre d'Espagne qui change agréablement des poncifs auxquels nous sommes habitués sur cet épisode de l'histoire.



Pendant que j'y suis, j'en profite pour vous signaler qu'il est désormais possible d'écrire un commentaire sans être inscrit. En ce qui me concerne, je vais revenir en France pour Noël et le Nouvel An, ce qui me réjouit beaucoup. Je vais enfin pouvoir m'abandonner aux délices de la boisson et mettre ainsi un terme à plusieurs mois d'une sobriété qui frise l'indécence. Bref, je serai d'abord sur Paris avec mes vieux, puis sur Bordeaux pour retrouver la bande de copains avec qui je vais fêter le Nouvel An. Comme je crains de m'emmerder sur Paris, si quelqu'un a envie d'aller boire un coup, qu'il n'hésite pas à m'envoyer un courriel histoire de voir si nous pouvons arranger cela.

mardi 30 novembre 2010

Avoir vingt ans sous Chirac

Je le dis pour ceux qui en douteraient : on peut être nostalgique d'une époque qu'on n'a pas connue. Je suis né en 1984, à l'époque où la génération de 1968 arrivait au pouvoir. Pendant toute mon enfance et mon adolescence, j'ai donc vécu au milieu des ruines en formation, dans un monde que l'on achevait de détruire. J'appartiens à cette génération qui a grandi au milieu des slogans en faveur de l'ouverture à l'autre, des droits de l'homme et de l'antiracisme. Comme la plupart des gens, dans un premier temps, je n'ai pas échappé à cette influence, d'autant que je n'ai jamais connu que l'Éducation Nationale, où j'ai eu droit à tout dans ce domaine, depuis les cours d'éducation civique - dressage citoyen en bonne et due forme - jusqu'à ce professeur d'histoire-géographie, par ailleurs fort sympathique et intéressant, qui nous distribuait en cours de la propagande d'Attac. Bref, à cette époque, j'étais un bon petit soldat de la bien-pensance, d'autant plus redoutable que j'étais moins con que la moyenne.

Pourtant, à certains égards, même à cette époque, j'étais déjà quelque chose d'autre. J'ai beau avoir grandi dans un pays où l'on passait son temps à battre sa coulpe, j'ai toujours été fier de mon pays, de son histoire, de sa culture. Et puis, je ne saurais dire pourquoi - peut-être était-ce grâce à ces petits livres à la couverture orange que m'achetaient mes parents quand j'étais gosse, dont chacun racontait un épisode de l'histoire de France - mais je voyais bien tout de même que la France de Lionel Jospin n'était pas celle de Louis XIV, et que ce n'était pas seulement parce qu'entretemps on avait inventé l'ordinateur. Il me revient aussi qu'on m'avait offert un petit livre sur l'histoire romaine, écrit pour les enfants, qui m'avait rempli la tête avec les exploits des Brutus, Scipion et autres héros de la République. Déjà en ce temps-là, il me semblait qu'à coté d'eux, nous faisions un peu fin de race. Quand j'étais au collège, dans le cadre d'un voyage scolaire, nous étions allés à Rome. Je me souviens que, tandis que j'étais devant la Curie de Pompée, je pouvais presque voir César s'écrouler devant moi sous les coups de ses assassins. Mais j'étais bien le seul, car pour mes camarades, le forum romain n'était rien de plus qu'un tas de ruines. Ainsi, plus ou moins consciemment, je n'aimais déjà pas beaucoup notre époque.

Il serait faux de prétendre que j'ai dessillé tout d'un coup, en vérité ce fut très progressif et je continue sans doute encore aujourd'hui à évoluer. Il y eut cependant quelques moments qui ont accéléré mon évolution et m'ont aidé à ouvrir les yeux. Le plus important fut sans doute l'entre-deux-tours des élections présidentielles de 2002, quand Le Pen surprit tout le monde en se qualifiant pour le second tour. Je me souviens qu'à l'époque - j'étais alors en terminale - j'avais été scandalisé par cette espèce d'hystérie antifasciste, qui se donnait le nom de lutte pour la démocratie, alors qu'il s'agissait en réalité de contester la légitimité du résultat issu des urnes. J'avais alors bruyamment refusé de manifester contre la présence de Le Pen au second tour, m'efforçant d'expliquer à mes camarades qu'il était indécent de protester de la sorte contre un résultat tout ce qu'il y avait de plus démocratique. Mais plus que cela, si cet événement a contribué à mon réveil, c'est parce qu'alors, pour la première fois, je commençais à prendre conscience que nous étions complètement étouffés par une propagande qui ne disait pas son nom.

Il est inutile de vous dire que, depuis cette époque, qui n'est pas si lointaine, j'ai eu le temps d'apprécier l'étendue de cette propagande, et que je suis revenu d'à peu près toutes les conneries dont on m'avait bourré le crâne. Surtout, j'ai beaucoup lu, sur tout et tout le temps, car j'ai compris que tout ce qu'on ne m'avait pas appris à l'école, il allait falloir que je l'apprenne moi-même. Comme la plupart des jeunes gens de mon époque, c'est toute mon éducation qui était à refaire. Notez que si je ne regrette surtout pas d'être enfin lucide, je ne m'en trouve certes pas mieux, bien au contraire. Il n'y a rien de plus terrible, en effet, que d'être comme étranger à son époque, surtout quand par dessus le marché, on est de plus en plus étranger dans son propre pays. Il n'y a presque rien dans le monde qui m'entoure qui ne suscite chez moi le dégoût. Je vois mon pays disparaître sous mes yeux et tout le monde semble l'ignorer, voire s'en réjouir bruyamment. Où que je tourne mes regards, je ne rencontre que de l'incompréhension. J'ai l'impression de vivre au milieu d'ombres sans âme et sans rêves. Mes contemporains ont honte de ce que la France a été, tandis que moi, au contraire, j'ai honte de ce qu'elle est devenue, ou plutôt de ce qu'elle a cessé d'être. Bref, je hais notre époque de toutes mes forces, et je hais encore plus la génération qui m'a précédé, celle de ceux qui ont rendu tout cela possible.

Je ne crois pas un seul instant qu'il y avait dans le monde d'autrefois moins de bassesse, mais ce dont je suis convaincu, c'est qu'il y avait plus de noblesse. L'homme n'est plus capable d'aucune noblesse, parce qu'il ne comprend même plus ce que c'est. Il est devenu incapable de s'élever au dessus de lui-même, ne serait-ce que par la pensée. On dirait qu'il s'est enfin résolu à accepter sa condition, alors même que c'est le propre de l'homme de s'efforcer d'y échapper. D'ailleurs, non seulement il l'accepte, mais il s'y vautre avec délectation, comme pour rattraper le temps perdu au cours des siècles précédents. Il n'y a guère plus que l'humanitarisme qui s'offre comme horizon de dépassement de l'homme, mais c'est un bien pauvre échappatoire et un piètre substitut. Michel-Ange n'a pas peint le plafond de la chapelle Sixtine en songeant à la faim dans le monde... Je ne suis pas croyant, c'est peut-être parce que j'ai été élevé par de parfaits mécréants, mais indépendamment de cela, je me sens complètement incapable d'avoir la foi. On dirait que, même cela, on nous l'a enlevé. Si je me sens catholique, moi qui n'ai pas même reçu le baptême, c'est uniquement par affinités intellectuelles et esthétiques, ainsi que par fidélité à une culture. Mais le charme est rompu : je vis dans un monde qu'ont déserté toutes les manifestations de la transcendance, où tout n'est plus que matière. Jadis, sur cette même terre où j'ai grandi, des hommes ont sacrifiés des vies entières pour construire des cathédrales, aujourd'hui on n'y construit plus que des banques et des bureaux.

L'homme n'est qu'un tas de chair et d'os, disons que c'est entendu. Il pourrait au moins s'en désoler, au lieu de quoi il s'en félicite. Les gens autour de moi semblent souffrir d'une sorte d'atrophie de l'âme, ils veulent se convaincre que tout ce qui passe la mesure de leur imagination ne peut être qu'invention, à tel point qu'on dirait que ça les rassure de savoir que nous ne sommes que de la merde. À ce sujet, il me revient à l'esprit une anecdote qu'on raconte sur Nietzsche. J'ignore si elle est authentique, mais quoi qu'il en soit je la trouve à propos. Il me faut d'abord vous raconter l'histoire de Gaius Mucius Scévola, ou plutôt laisser Tite-Live vous la raconter (Histoire romaine, II, 12-13, trad. Annette Flobert) :
Un jeune patricien, Gaius Mucius, trouvait révoltant que le peuple romain soit assiégé par les Étrusques dont il avait si souvent défait les armées, alors qu'aucun ennemi dans aucune guerre ne l'avait assiégé tant qu'il était soumis à la dictature des rois. Décidé à venger cet affront par quelque coup d'éclat, il songea d'abord à pénétrer dans le camp ennemi sans prévenir personne ; mais il craignait, s'il y allait sans l'autorisation des consuls et sans que personne soit au courant, de tomber sur des sentinelles romaines qui le prendraient pour un déserteur et le ramèneraient de force ; la situation à Rome rendrait l'accusation plausible. Il alla donc au Sénat et déclara : "Pères, je veux traverser le Tibre et pénétrer, si je le peux, dans le camp ennemi. Je n'y vais ni pour piller ni pour exercer des représailles. Non, j'envisage, avec l'aide des dieux, un plus noble exploit !" Les sénateurs donnèrent leur accord.
Il partit, cachant une arme sous son vêtement. Arrivé au camp, il s'arrêta près de l'estrade où siégeait le roi, au milieu d'une foule très dense. C'était le jour où les soldats touchaient la solde et un secrétaire, assis à coté du roi et habillé à peu près comme lui, se trouvait très occupé car c'était à lui que les soldats s'adressaient en masse. Mucius n'osa pas demander lequel des deux était Porsenna, craignant d'être trahi par son ignorance et, s'en remettant au hasard pour guider son bras, tua le secrétaire en le prenant pour le roi. Il cherchait à s'échapper et son arme sanglante lui frayait un chemin à travers la foule au milieu du désordre quand les gardes du roi, attirés par le bruit, l'arrêtèrent et le ramenèrent. Debout devant l'estrade royale, il inspirait dans des circonstances si graves plus de craintes encore qu'il n'en éprouvait. Il déclara : "Je suis citoyen romain et je m'appelle Gaius Mucius. Je suis venu en ennemi abattre un ennemi et je suis aussi déterminé à mourir que je l'étais à tuer. Le courage dans l'action et dans la mort est une vertu romaine. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à vouloir ta perte : longue est la liste de ceux qui aspirent à la même gloire. Prépare-toi donc, si c'est bien ce que tu veux, à défendre ta vie à tout moment, à trouver constamment une arme et un ennemi à la porte de ta tente. Voici la guerre que la jeunesse de Rome et moi-même te déclarons. Ne crains aucune bataille rangée, aucun combat : c'est une affaire qui se réglera entre nous et toi."
Furieux et effrayé par le danger, Porsenna ordonna, pour faire peur à Mucius, qu'on l'entoure de flammes s'il ne s'expliquait pas immédiatement sur le complot dont il le menaçait à mots couverts. "Pour savoir le mépris qu'ont de leur corps ceux qui aspirent à une grande gloire, dit Mucius, regarde !" et il plaça sa main droite sur les charbons ardents destinés au sacrifice. Il la laissa brûler, comme insensible à la douleur. Le roi, interdit par ce courage surhumain, bondit de son siège et ordonna qu'on écarte le jeune homme de l'autel. "Pars, dit-il, tu auras eu à souffrir de ta bravoure plus que moi. Je te féliciterais de ton courage si ce courage était au service de ma patrie ; mais je renonce du moins aux droits de la guerre et te laisse repartir libre, sans mal et sans dommage." Alors Mucius, comme pour le remercier de ses bontés, lui dit : "Puisque tu honores le courage, je veux me reconnaître à ton égard en te donnant le renseignement que tu n'as pas pu obtenir sous les menaces : nous sommes trois cent jeunes patriciens romains qui avons juré de t'attaquer de cette façon. Le sort m'a désigné le premier ; les autres, quoi qu'il arrive au premier, viendront les uns après les autres jusqu'à ce que la chance te fasse tomber sous leurs coups."
En même temps que Mucius, qui garda le surnom de Scévola, c'est-à-dire gaucher, à cause de la perte de sa main droite, Porsenna envoya des parlementaires à Rome ; le premier danger qu'il avait couru et auquel il n'avait échappé que grâce à la méprise de son agresseur, et plus encore la perspective d'essuyer autant d'attentats qu'il restait de conjurés, l'avait tellement bouleversé qu'il envoya spontanément des propositions de paix à Rome. Au cours des négociations, il évoqua vainement le rétablissement de la monarchie : il n'avait pu refuser ce service aux Tarquins mais ne se faisait guère d'illusions sur la réponse des Romains. Il obtint ceci : les Romains rendaient leur territoire aux Véiens et s'engageaient à livrer des otages pour que les troupes quittent le Janicule. La paix conclue à ces conditions, Porsenna évacua le Janicule et sortit du territoire de Rome.
Je peux maintenant revenir à l'anecdote sur Nietzsche à laquelle je faisais allusion avant cet intermède. On raconte que pendant qu'il était étudiant, un professeur de Nietzsche affirma que, selon lui, cette histoire était fausse car personne ne pouvait faire preuve d'un tel courage. Nietzsche, voulant prouver qu'il se trompait, éleva un bûcher avec l'aide de ses camarades et y plongea sa main, ce qui lui occasionna de très graves brûlures. L'une des raisons pour lesquelles je hais notre époque, c'est que tout le monde y est comme ce professeur. On dirait en effet que ces gens-là tiennent absolument à nous plonger la tête dans notre merde et à nous convaincre que l'homme est incapable de quelque grandeur que ce soit. Or, à force de vouloir s'en convaincre, il finit par le devenir en effet. Qu'importe que Mucius ait vraiment accompli cet exploit, selon moi, on s'en trouve plus noble et un peu meilleur lorsqu'on peut croire à une histoire comme celle-ci. D'ailleurs, vous aurez remarqué que, dans le texte que j'ai cité, Tite-Live qualifie le courage de Mucius de surhumain. La différence entre les Anciens et nos contemporains, ce n'est donc pas qu'ils étaient naïfs au point de ne pas voir qu'un tel courage était surhumain, c'est que, contrairement à ces derniers, ils avaient la force de croire que l'homme pouvait être un peu plus que l'homme.

Je n'estime pas être naïf et pourtant je crois qu'il a pu exister des hommes comme Mucius. D'ailleurs, pour dire les choses exactement, j'en suis tellement convaincu que le doute ne m'effleure même pas. Je sais que des gens comme Mucius ont existé, et j'estime qu'ils sont de ces hommes qui font honneur à l'homme, pour reprendre le mot qu'avait eu Montecuccoli au sujet de Turenne. Quand je lis les Vies de Plutarque, où l'on trouve tant d'histoires de ce genre, il me semble en effet que je peux enfin être fier d'appartenir au genre humain. Heureusement que j'ai Plutarque d'ailleurs, car si je ne devais compter que sur le monde dans lequel je vis, j'aurais peut-être l'impression que l'homme n'est en effet qu'un amas de matière. La plupart des gens pensent que l'homme s'est grandi en cessant de pouvoir croire à toutes ces histoires de héros et de vertu, alors que c'est exactement l'inverse, il s'est au contraire rabaissé.

Notre époque s'imagine qu'elle a cessé de croire en Dieu, qui prenait toute la place, pour enfin pouvoir croire en l'homme. Or, rien n'est plus faux que cette idée, car en vérité notre époque ne croit pas en l'homme, pas davantage qu'elle croit en Dieu. Plutôt qu'en l'homme, elle croit en une sorte de bête, qui, certes, se tient sur ses deux pattes arrière (encore que ce soit de moins en moins vrai), communique à l'aide du langage et sait faire preuve d'une grande ingéniosité, mais qui pour autant n'a pas grand chose à voir avec l'homme. Autrement dit, en voulant se contenter d'être homme, l'homme s'est mis plus bas que l'homme. C'est précisément tant qu'il peut croire à des histoires comme celle de Mucius, peu importe qu'elles soient vraies d'ailleurs, qu'il est un peu au-dessus de la bête. Mais quand son âme est devenue trop petite pour cela, alors ce n'est plus qu'un estomac sur pattes. On s'enorgueillit pourtant aujourd'hui de fabriquer à la chaîne des individus dans ce goût-là, tellement abrutis qu'ils ont été rendus complètement insensibles à toute forme de noblesse, ce qui fait d'eux de bons consommateurs, sans doute, mais quoi d'autre ?

La génération précédente a détruit à peu près tout ce qu'il y avait de bon et de beau dans le monde. Elle devra un jour répondre de ses crimes devant l'histoire, car les plus coupables ne sont pas les hordes de petits crétins d'aujourd'hui, qui après tout n'ont jamais connu que le monde tel qu'il est aujourd'hui, mais plutôt nos parents qui ont laissé faire, quand ils n'ont pas eux-mêmes mis la main au désastre. Je m'adresse à eux maintenant : ne vous y trompez pas, vous avez sur la conscience la ruine d'une civilisation, soit que vous y ayez contribué directement, soit que vous ayez été trop lâches pour vous y opposer. J'ignore s'il existe un crime plus odieux que le vôtre, vous qui avez jeté à bas plusieurs siècles d'efforts et de sacrifices, livré aux chiens ce joyau de l'humanité que fut la civilisation européenne. Je veux croire pourtant que cette civilisation, qui fut autrefois si brillante et sûre d'elle, ne se laissera pas mourir et qu'elle se relèvera sur les ruines que vous nous avez laissées. Prenez donc garde à la colère de la génération qui vous remplacera et qui finira bien par ouvrir les yeux. Quand elle aura compris ce que vous avez fait, elle jettera sur vous un opprobre infini, de ceux dont on ne se relève pas. En attendant, je dois continuer à vivre parmi des fantômes, dans cette sorte d'exil intérieur que vous m'avez imposé.

Non, décidément, il n'est pas tous les jours facile d'avoir vingt ans sous Chirac.

vendredi 26 novembre 2010

Samuel et la fraternité

Tandis que je traînais sur l'excellent blog de Marie-Thérèse Bouchard (qui apparemment s'appelle en fait Marion, mais ne compliquons pas les choses inutilement), je suis tombé sur un énergumène particulièrement gratiné, tellement qu'il aurait été criminel de ne pas vous en faire profiter. Samuel, puisque c'est son nom, n'a sans doute rien à voir avec le prophète, mais en tout cas, il est tout aussi illuminé. C'est le genre de type qui, lorsque vous lui collez une torgnole dans la gueule, vous demande si vous ne vous êtes pas fait mal à la main... Bref, ne perdons pas davantage de temps, laissons plutôt s'exprimer l'artiste :
Sur un plateau de la balance, il faut mettre les souffrances et humiliations qu'ont enduré les français de souche en Algérie. Il faut mettre le coeur gros de tous les petits français de souche qui aujourd'hui se font tabasser ou humilier.

Mais alors, sur l'autre plateau de la balance, il n'y a donc rien a mettre. Pas de souffrance et d'humiliation pour les "bougnoules" ? Pas de souffrance et d'humiliation pour les français d'origine maghrébine d'aujourd'hui, pour lesquels nous avons ignominieusement oublié de réaménager notre idée de la France, de manière à ce qu'ils s'y voient une place digne ?

Il y a évidement de la souffrance et de l'humiliation sur les deux plateaux de la balance. Alors on fait quoi avec ça ? On s'entretue ? On coupe le pays en deux ? Ou on se réconcilie 
[...]
 Réaménager notre idée de la France, c'est avoir une idée de la France dans laquelle les français d'origine maghrébine peuvent se voir autre chose que sous-fifre. Ca passe par des actions concrètes. Voir "Kader" comme un prénom qui fait aujourd'hui partie de la culture française. Organiser des fêtes de fraternité sur le champ de Mars où tous les français amènent quelque chose à manger ou à danser de leur culture d'origine. Considérer que les racines de la France sont les racines de tous les français : les racines de la France d'aujourd'hui plongent aussi dans le maghreb. Réaménager d'urgence les prison qui sont une honte pour la France, et ne font que conforter les prisonniers dans leur idée que l'important c'est d'être le plus fort. La délinquance, c'est cracher sur la société à laquelle on appartient, c'est donc ne pas se voir comme un membre de cette société, et la France a une petite responsabilité à ça.

En tout cas c'est mes idées elles valent ce qu'elles valent, elles ne veulent pas dire qu'il ne faudrait pas aussi punir, étendre les travaux d'intérêt général, avoir des éducateurs parfois sévères et je ne sais quoi d'autre.
[...]
Je crois aussi au pouvoir des idées, au fait qu'elles influencent les comportements. La lutte contre la délinquance ne passe pas seulement par l'éducation ou la punition, elle passe aussi par l'idéologie. Organiser des fêtes de la fraternité, en impliquant les parents et les grands parents et pas seulement les enfants, ne serait pas une chose facile. Il pourrait y avoir des débordements et ça couterait de l'argent. Pourtant, les fêtes nationales, comme le 14 juillet, ont une fonction dans la société, elles sont utiles à sa cohésion. Regardez ce qu'est devenu le 14 juillet aujourd'hui : un symbole de désintégration de notre société. Ayons quand même le courage de trouver l'argent et de le faire. Liberté, égalité, fraternité : chiche !
J'apprécie tout particulièrement la chute, qui parvient à réaliser l'exploit de propulser l'ensemble, pourtant déjà assez soigné, à des niveaux de mièvrerie rarement atteints jusque-là. Espérons que Samuel, une fois qu'il aura fini de déverser les torrents de bons sentiments qui dégoulinent de son cerveau, trouvera un peu de place pour y loger quelques neurones...

jeudi 25 novembre 2010

On a retrouvé Myard

Quand je vous disais que Jacques Myard ne tarderait pas à retrouver ses esprits, après l'étrange accès de courage politique dont il a été pris la semaine dernière, je n'imaginais pas qu'il me donnerait raison si rapidement. Il vient en effet de publier un communiqué dans lequel il critique la décision d'I-TELE de suspendre l'émission d'Audrey Pulvar, dont le conjoint, Arnaud Montebourg, qui persiste obstinément à se prendre pour Saint-Just, vient d'annoncer son intention de se présenter aux primaires socialistes, lesquelles promettent décidément d'être fort réjouissantes. Dans le communiqué en question, Myard exprime son "étonnement" et sa "réprobation" devant la mise en doute de l'"impartialité" et du "professionnalisme" des journalistes ayant pour conjoint un responsable politique, ajoutant qu'il s'agit là d'une tendance récente qu'il déplore.

Il a bien raison de noter qu'il s'agit d'une tendance récente, mais il oublie de préciser que cette tendance n'a commencé à se manifester qu'à partir du moment où des journalistes se sont mis à épouser des politiciens de droite. Qu'on se comprenne bien, je parle de ce qu'il est aujourd'hui d'usage appeler la droite, pour une raison qui m'échappe encore, je ne voudrais pas qu'on croit que l'UMP est devenu un parti de droite. Étrangement, notre bon Myard, qui paraît-il est lui-même de droite, n'a pas cru bon de protester quand c'étaient les compagnes de politiciens de droite qu'on obligeait à démissionner. Bien sûr, on ne manquera pas de me rétorquer que les politiciens en question étaient ministres, ce qui n'est pas le cas de Montebourg, encore que celui-ci espère très fortement le devenir bientôt, ce qui explique d'ailleurs sa candidature aux primaires. Mais je ne peux pas m'empêcher d'y voir un symptôme du sentiment d'infériorité qu'éprouve la droite vis-à-vis de la gauche en France, qui est tel qu'un politicien de droite comme Myard ne se sent fondé à protester de l'éviction des journalistes ayant pour compagnon un politicien que lorsque celui-ci est de gauche.

En effet, si comme il le prétend, ce qui le choque dans cette affaire, c'est que la décision d'I-TELE porte atteinte au "principe de la responsabilité individuelle", on se demande bien ce qui le retenait de dire la même chose quand on suspendait Béatrice Schönberg et Marie Drucker... Sans parler du fait que ce qu'il dit est tout à fait stupide. Il est en effet parfaitement injuste de mettre en doute uniquement l'impartialité et le professionnalisme des journalistes ayant pour conjoint un politicien, quand c'est plutôt des journalistes en général dont il faut, non pas seulement mettre en doute l'impartialité et le professionnalisme, mais affirmer la partialité et l'incompétence, qui ne peuvent faire aucun doute pour quiconque a un tant soit peu d'intelligence.

lundi 22 novembre 2010

Quand Clinton nous donne des leçons de morale

Hillary Clinton, secrétaire d'État des États-Unis d'Amérique, a récemment déclaré qu'elle s'inquiétait des atteintes à la liberté religieuse qu'elle voyait se développer en Europe. Le sous-secrétaire d'État aux droits de l'homme, Michael Posner, est allé jusqu'à citer nommément la France, mise en cause en raison de sa loi contre le port de la burqa.

Pendant ce temps-là, au Pakistan, une femme a été battue devant ses enfants, eux-mêmes torturés, puis violée par un groupe d'hommes de son village, dont apparemment l'imam local, tout cela parce qu'elle avait le malheur d'être chrétienne. Quand la police est finalement parvenue sur les lieux, son premier réflexe fut d'arrêter cette pauvre femme pour blasphème, crime pour lequel elle vient d'être condamné à mort par un tribunal. Dans leur grande mansuétude, les autorités pakistanaises n'ont pas décidé de la poursuivre pour avoir souillé ses agresseurs, en dépit du fait qu'elle ait, par son viol, porté gravement atteinte à la pureté de ces derniers, qu'on imagine bons musulmans.

Étrangement, on n'a pas entendu Hillary Clinton sur le sujet, pas un mot. Apparemment, elle préfère s'attaquer à des persécutions imaginaires, dont seraient victimes les musulmans en Europe, plutôt qu'aux persécutions, très réelles celles-ci, dont sont victimes les chrétiens partout dans le monde musulman, en particulier au Pakistan. Je n'ose pas imaginer que cela pourrait avoir un rapport avec le fait que le Pakistan soit le meilleur allié des États-Unis dans la région (encore que ces derniers temps, ayant senti le vent tourner, ils se soient considérablement rapprochés de l'Inde), ni avec une tentative désespérée et vouée à l'échec de s'attirer la sympathie des musulmans à travers le monde, sur la gueule desquels les Américains, y compris le mari de Mme Clinton, ont passé leur temps à balancer des bombes au cours des dernières décennies.

Cette politique des États-Unis visant à draguer les musulmans ne date pas de cette déclaration d'Hillary Clinton, elle remonte au discours prononcé au Caire par Barack Obama en 2009, dans lequel il avait déjà critiqué la France à mots couverts pour sa législation anti-voile, ce qui ne l'avait pas empêché d'être encensé par tout ce que la France compte de bien-pensants. D'ailleurs, à bien y réfléchir, cette politique consistant à flatter l'opinion musulmane ne date même pas d'Obama, puisqu'elle avait déjà été employé par Bill Clinton dans les années 1990, notamment en Bosnie et au Kosovo, ce qui par ailleurs ne l'avait pas empêché de bombarder l'Irak en 1998 pour faire oublier ses déboires conjugaux, alors qu'il était en plein dans une procédure d'impeachment. De la même façon, on remarquera qu'Obama, en dépit de ses beaux discours, n'a toujours pas retiré les troupes américaines d'Irak et qu'il a augmenté leur présence en Afghanistan.

Que l'administration américaine se fende de ce genre de déclaration, à vrai dire je m'en tamponne le coquillard. Cela ne leur apportera rien car, ce que des crétins comme Obama et Clinton ne comprendront jamais, c'est que les fanatiques qu'ils espèrent séduire avec leurs déclarations apaisantes se contrefoutent de leurs discours. Le soutien de Clinton aux musulmans de Bosnie et du Kosovo n'a pas empêché le 11 septembre, mais après tout c'est leur problème et pas le nôtre. Ce qui me choque vraiment, c'est plutôt que personne n'ait protesté en France contre ces déclarations insultantes et scandaleuses, à l'exception de Jacques Myard, qui pour une raison que j'ignore s'est réveillé ce matin-là avec une paire de couilles entre les jambes (gageons que depuis le problème a été réglé). Si la France était encore un pays libre, et non pas un protectorat des États-Unis, l'ambassadeur des États-Unis à Paris aurait évidemment été convoqué au Quay d'Orsay, mais à mon avis nous ferions mieux de ne pas retenir notre souffle en attendant que cela arrive.

Puisque j'en suis à parler de l'ambassadeur des États-Unis à Paris, je devrais ajouter qu'indépendamment de cette histoire, cela fait longtemps qu'il aurait dû être expulsé en raison de ses intrigues visant à promouvoir l'idéologie multiculturaliste dans nos banlieues. Mais comme à la place d'un pays libre et soucieux de son indépendance, la France n'est plus qu'un satellite des États-Unis, membre d'un conglomérat de boutiquiers qu'on appelle l'Europe (bien que ses dirigeants aient semble-t-il l'intention de l'étendre indéfiniment), celui-ci peut continuer de s'ingérer dans les affaires intérieures de notre pays en toute impunité et nous continuons à suivre aveuglément la politique étrangère américaine, quand bien même celle-ci est tout à fait contraire à nos intérêts. Quand je dis que la France est devenue un protectorat des États-Unis, je voudrais ajouter qu'elle l'était déjà bien avant que Sarkozy n'arrive au pouvoir, n'en déplaise à tous les connards qui ont oublié qu'à l'exception de la seconde guerre en Irak, nous avons participé à toutes les aventures militaires américaines de ces dernières années, y compris la première guerre du Golfe, qui n'était pourtant pas moins scandaleuse et contraire à nos intérêts que celle de 2003.

Bref, sur ces bonnes paroles, je voudrais adresser un message à Hillary Clinton, qui j'espère lui ira droit au coeur : If you don't know what to do with your concerns, you can shove them up your ass and see how that feels, but in any case it would be appreciated if you could just mind your own business, you self-righteous, incompetent, stupid bitch. Il n'y a pas à dire, parfois cela fait quand même du bien de se laisser aller à insulter quelqu'un, surtout quand il s'agit d'Hillary Clinton...

mercredi 17 novembre 2010

La liberté d'expression en France

Je viens d'apprendre avec consternation qu'il y avait en France, depuis le mois d'août, un homme qui croupissait en prison pour délit d'opinion. Vincent Reynouard, dont j'ignorais l'existence jusqu'à aujourd'hui, est apparemment un partisan du national-socialisme, qui nie également l'existence du génocide des Juifs d'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a été condamné en 2007 à un an de prison ferme, entre autres choses, pour avoir écrit et fait distribuer une brochure dans laquelle il défendait ses thèses négationnistes. Par ailleurs, il a également été condamné en 2008 pour des faits similaires, encore que ce fût semble-t-il pour une autre brochure, à la même peine en Belgique. Il était donc en prison là-bas quand la France a demandé et obtenu son extradition, avant de le mettre en prison à Valenciennes où il se trouve encore à l'heure où j'écris. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais faire quelques remarques liminaires, histoire de vous mettre en condition.

D'abord, il faut bien constater que, ces derniers temps, quand la France demandait l'extradition de certains de ses ressortissants, on avait pris l'habitude que ce fût pour leur éviter la prison, alors même qu'en général, il y avait lieu de se poser des questions quant à l'innocence des individus en question, que l'on prétendait injustement emprisonnés à l'étranger. Dans le cas de Reynouard, ce n'était pas un ministre qui l'attendait à son arrivée en France, entouré d'une horde de journalistes s'occupant de nous raconter l'émotion qui régnait sur le tarmac de l'aéroport à ce moment-là, mais un équipage de flics chargés de l'escorter dans une autre prison, bien de chez nous cette fois-ci. À quoi n'aurait-on pas eu droit s'il s'était agi d'un connard d'otage, ne pouvant s'en prendre qu'à lui-même pour s'être fait enlevé ? Naturellement, dans ce cas, on aurait vu surgir des pétitions exigeant sa libération un peu partout, auxquelles tout ce la France compte de belles âmes auraient prêté leur soutien. Au moins, l'émotion du ministre aurait été compréhensible, puisque, contrairement aux crétins qui se réjouissent bruyamment en ce genre d'occasions, lui aurait su combien il avait fallu débourser pour voir revenir l'abruti en question.

D'autre part, on ne peut pas s'empêcher de s'étonner que la justice française, qui fait pourtant habituellement preuve d'assez peu empressement pour jeter les gens en prison, et qui, au contraire, n'a semble-t-il pas trop de difficulté à relâcher dans la nature des criminels avérés, ait jugé qu'il était tout à fait indispensable de poursuivre Reynouard, dont le seul crime est d'avoir dit ce qu'il pensait, jusqu'en Belgique et cela trois ans après sa condamnation. On aimerait qu'elle fasse preuve du même zèle avec tous les délinquants, qui, lorsqu'ils sont condamnés, ce qui est déjà un événement assez remarquable en soi, compte tenu de la faune qui compose le corps de la magistrature, n'exécutent jamais leur peine. Mais à ce qu'il paraît, aujourd'hui en France, il vaut mieux frapper jusqu'au sang un pauvre type qui n'avait rien demandé, mais dont peut-être la tête n'avait pas eu l'heur de plaire à quelque sauvageon de passage, plutôt que d'expliquer dans une brochure que l'on ne croit pas à l'existence du génocide des Juifs d'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale.

Mais venons-en au coeur de l'affaire, à savoir le problème de la liberté d'expression en France. Il faut d'abord noter que le silence médiatique autour de cette affaire est absolument assourdissant. À ma connaissance, pas un article de presse, pas une dépêche d'agence, n'en a fait mention. Il y a donc aujourd'hui en France un homme qui croupit en prison pour délit d'opinion sans que cela n'émeuve personne. Il faut croire que les habituels donneurs de leçons sont trop occupés à critiquer la Chine pour s'intéresser au cas de Reynouard. Mais il y a une différence, me direz-vous, c'est que ce dernier est un salaud, de la pire espèce en l'occurrence puisque c'est un nazi. Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi il faudrait se formaliser de ce qu'on l'ait mis à l'ombre, après tout il l'a bien cherché cet enfoiré. Il me semble que c'est précisément le point le plus important si l'on veut comprendre pourquoi le concept même de liberté d'expression n'existe pas dans notre pays.

En effet, tout le monde en France se dit favorable à la liberté d'expression, comment pourrait-on y être opposé ? Après tout, nous sommes le pays des droits de l'homme, de Voltaire, etc. Nous avons tous entendu ce genre de déclarations grandiloquentes, mais il est vrai qu'elles sont généralement prononcées pour s'étonner que la France ne donne pas davantage de la voix pour soutenir les opposants politiques chinois, pas tellement pour s'offusquer du sort d'un nazi français... C'est que, voyez-vous la liberté d'expression, c'est bien joli, mais enfin il ne faut pas pousser quand même. Il y a une expérience très facile à réaliser et qui, à mon avis, est tout à fait révélatrice de l'état d'esprit français en ce qui concerne la liberté d'expression. Prenez à peu près n'importe qui et demandez-lui s'il est favorable à la liberté d'expression. Vous pouvez être à peu près sûr que vous aurez droit à une déclaration dans le genre de celle dont je parlais plus haut. Ensuite, insistez un peu et demandez-lui si, puisqu'il est favorable à la liberté d'expression, il est également d'avis qu'un nazi devrait pouvoir s'exprimer librement, par exemple d'expliquer que, d'après lui, les Juifs sont des voleurs. Sauf cas exceptionnel, on vous fera à peu près la même réponse, qui donne quelque chose dans ce goût-là : "Certes, je suis évidemment favorable à la liberté d'expression, mais enfin il y a tout de même des choses qu'on ne peut pas dire."

En d'autres termes, pour l'immense majorité des Français, la liberté d'expression a des limites. Or, précisément, la liberté d'expression n'a pas de limites, sans quoi ce n'est pas la liberté d'expression, mais la liberté d'expression des opinions jugés acceptables par la société ou le pouvoir (politique ou médiatique), ce qui n'est pas la même chose. Par définition, la liberté d'expression ne se limite pas aux opinions qu'on approuve ou qu'on juge acceptables, mais cette liberté n'est tout simplement pas dans notre culture politique. Il se trouve en effet qu'en France, personne ne s'étonne de ce que certaines opinions ne puissent pas être exprimées librement, cela semble aller de soi. Il ne faut donc pas s'étonner si, lorsqu'un homme professe des opinions tenues pour inacceptables, personne ne s'émeuve que ce qu'on mette le fâcheux en prison. Au contraire, quand un Chinois est jeté en prison par son gouvernement pour avoir prôné des réformes démocratiques, tout le monde est d'accord pour dire que c'est inadmissible, parce que les opinions qu'il défend sont non seulement jugées respectables par la société, mais qu'elles y ont même valeur de dogme. Cela montre bien que ce qui explique les protestations en faveur de la libération des opposants chinois, ce n'est pas l'attachement à la liberté d'expression comme on aime à le répéter, mais plutôt la sympathie envers les idées qu'ils défendent.

La situation est différente aux États-Unis par exemple, où la liberté d'expression fait partie de la culture politique. Là-bas, non seulement une loi telle que la loi Gayssot serait impossible sur le plan juridique, car elle serait en contradiction avec le premier amendement de la Constitution, mais elle serait de toutes façons impossible, car une telle loi irait à l'encontre de la culture politique américaine, et ferait donc l'objet d'une condamnation unanime. J'ai souvent débattu en France de la question de la liberté d'expression, notamment avec mes camarades quand j'étais à l'IEP, où l'on discute parfois de ce genre de choses. J'aime autant vous dire que, lorsque j'expliquais que la loi Gayssot était un scandale, qu'il faudrait l'abroger et qu'un nazi devrait avoir le droit de s'exprimer, j'avais droit à des réactions assez intéressantes... Je ne crois pas qu'on me l'ait jamais reproché aussi ouvertement, mais je n'ai guère de doute quant au fait qu'un certain nombre d'entre eux étaient convaincus que j'étais négationniste. Il est vrai aussi que je faisais de mon mieux pour m'exprimer de la façon la plus provocante possible (sans doute mon coté anarchiste de droite), mais enfin cela n'explique pas qu'un certain nombre des étudiants, ou professeurs d'ailleurs, avec qui j'ai eu ces discussions soient incapables de faire la distinction entre le fait de défendre le droit d'exprimer une opinion et le fait d'approuver cette opinion.

Ce qui explique cette incapacité de leur part, ce n'est pas mon goût pour la provocation, encore que cela n'a certainement pas dû arranger mon cas auprès d'eux, mais plutôt le fait que, comme je l'ai dit plus haut, la liberté d'expression ne fait pas partie de notre culture politique. J'ai pu constater depuis que je suis aux États-Unis la différence avec l'état d'esprit qui règne en France à ce sujet. Ainsi, j'ai récemment eu une discussion avec des étudiants dans mon programme à ce sujet, et tandis qu'en France je passais pour un fou furieux quand je parlais de cela, ici ce que je disais était d'une telle banalité que mes interlocuteurs se demandaient presque pourquoi je prenais la peine de le dire. Quand je leur ai dit qu'en France, on pouvait être mis en prison pour délit d'opinion, ils furent assez stupéfaits de l'apprendre. Et à cette époque j'ignorais encore qu'il y avait en ce moment quelqu'un en prison pour cette raison, je vous laisse imaginer à quelles réactions j'aurais eu droit si je leur avais dit cela. Cela dit, si je n'ai pas réussi à les émouvoir avec ma position au sujet de la liberté d'expression, j'ai par contre rencontré un certain succès en leur expliquant que, dans la guerre de Sécession, ma sympathie allait plutôt au Sud. D'après ce qu'ils m'ont expliqué, je devrais faire attention en disant ce genre de choses, en tout cas tant que je suis dans l'État de New-York. Cela montre que, même aux États-Unis, la liberté d'expression n'est pas sans poser de problèmes, mais je reviendrai sur cette question plus bas.

Qu'est-ce que la liberté d'expression ? Cela consiste à garantir que toutes les opinions puissent être exprimées librement. La liberté d'expression n'a par définition aucune limite, mais elle ne consiste pas à garantir qu'on puisse tout dire. En particulier, elle ne garantit pas le droit d'exprimer un appel au meurtre ou à la violence, qui n'est pas une opinion. Par exemple, si quelqu'un dit que, selon lui, les Juifs sont des voleurs, il émet une opinion qu'il devrait avoir le droit d'exprimer. Mais s'il appelle ceux qui l'écoutent à tuer les Juifs, alors il n'émet plus une opinion, il enjoint ses auditeurs à faire quelque chose, ce qui n'est pas la même chose. Par conséquent, il est tout à fait normal qu'il n'ait pas le droit de faire une telle déclaration, puisqu'en l'occurrence il demande à ceux qui l'écoutent de tuer des gens. Mais ce n'est certes pas la même chose de dire de quelqu'un que c'est un escroc et de dire qu'il faut le tuer ou l'agresser physiquement. Même si les Juifs étaient des voleurs, dire que ce sont des voleurs n'impliquerait pas qu'il faut les tuer. Il m'arrive souvent de penser de quelqu'un que c'est un escroc, mais je n'en tire pas la conclusion qu'il faut le tuer. Dans le cas de Vincent Reynouard, pour autant que je sache, tout ce qu'il a fait dans sa brochure, c'est exprimer son opinion au sujet du génocide des Juifs d'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, dont il nie apparemment l'existence. En aucune façon il n'a appelé qui que ce soit à nuire aux Juifs. Évidemment, il y a des cas où le principe est plus difficile à appliquer, parce qu'un appel à la violence peut être implicite dans l'expression d'une opinion, mais cela ne condamne pas le principe lui-même, qui peut s'appliquer sans difficulté dans la plupart des cas. En tout état de cause, en ce qui concerne le négationnisme, on ne voit pas en quoi le fait de penser que l'Holocauste n'a pas existé implique qu'il faille faire en sorte d'y remédier...

J'ai fait allusion plus haut au fait que, même aux États-Unis, la liberté d'expression n'était pas totale. Jusqu'à présent, en effet, parmi les obstacles susceptibles de s'opposer à la liberté d'expression, je n'ai évoqué que les obstacles juridiques, en particulier la loi Gayssot qui a fait condamner Reynouard. Mais il n'y a pas que des obstacles juridiques qui s'opposent à la liberté d'expression, en un sens ce ne sont d'ailleurs pas les plus redoutables, sauf peut-être quand ils sont renforcés par cet autre obstacle à la liberté d'expression, autrement plus dangereux celui-là, à savoir la tyrannie de l'opinion, qui est particulièrement redoutable en démocratie. Ainsi, aux États-Unis, il n'existe aucun obstacle juridique à la liberté d'expression, un tel obstacle y est même tout à fait inconcevable comme je l'ai expliqué, mais par contre la tyrannie de l'opinion s'y rencontre aussi bien qu'en France. Chez nous (je profite de cette expression tant qu'elle a encore un sens), le droit comprend certes des restrictions à la liberté d'expression, en particulier les lois Pleven et Gayssot, mais je ne crois pas du tout ce que cet arsenal juridique soit le principal obstacle à la liberté d'expression. En effet, on peut dire légalement beaucoup de choses en France, mais il faut alors être prêt à perdre son emploi, à être ostracisé et traité en paria, etc. Il y a certaines opinions qui, bien qu'elles soient parfaitement légales, vous mettent au ban de la société plus surement qu'une profession d'athéisme sous Torquemada. Il n'y a qu'à voir comment cet imbécile de Pagny a été contraint à venir battre sa coulpe en public après ses récentes déclarations...

Il est vrai que, quand je dis qu'on peut dire légalement beaucoup de choses en France, cela mériterait d'être nuancé, car les procureurs de la République donnent de plus en plus souvent suite à des plaintes pour racisme de la part des associations, en dépit du fait qu'elles sont généralement complètement délirantes, eu égard au droit existant (qui comme je l'ai dit est lui-même parfaitement scandaleux). Il faut cependant remarquer que, si les plaintes en question donnent parfois lieu à des condamnations en première instance, elles sont généralement cassées par les instances juridiques supérieures. Évidemment, dans l'intervalle, le pauvre type a été délesté d'un gros paquet de pognon et a perdu beaucoup de temps, ce qui est un moyen de dissuasion assez efficace. De plus, il arrive que les déclarations des gens poursuivis soient effectivement racistes ou négationnistes, auquel cas ils sont effectivement condamnés, ce qui est parfaitement scandaleux dans un pays qui se prétend libre. Mais il n'en reste pas moins que, dans les cas où un procureur de la République donne suite à une plainte en dépit du fait qu'elle soit parfaitement farfelue, c'est généralement parce qu'il subit le poids de l'opinion, qui n'a besoin d'aucune contrainte légale pour exercer sa tyrannie jusque sur les esprits. Avant de laisser la parole à Tocqueville, qui décrit cette censure démocratique bien mieux que je ne pourrais le faire, j'aimerais néanmoins faire une précision qui n'apparaît pas dans son texte, lequel à cette réserve près est absolument génial, surtout quand on songe qu'il a été écrit il y a près de deux siècles. Quand on parle de la tyrannie de l'opinion, il faut insister sur le fait que cette opinion n'émane pas nécessairement de la majorité, mais qu'à notre époque elle vient plutôt de la classe politico-médiatique qui contrôle les moyens d'expression. Cette précision ayant été faite, je peux citer De la démocratie en Amérique (Premier tome, Deuxième partie, Chapitre VII, "Du pouvoir qu'exerce la majorité en Amérique sur la pensée"), dont par ailleurs je recommande chaudement la lecture dans son intégralité :
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Lorsqu'on vient à examiner quel est aux États-Unis l'exercice de la pensée, c'est alors qu'on aperçoit bien clairement à quel point la puissance de la majorité surpasse toutes les puissances que nous connaissons en Europe.

La pensée est un pouvoir invisible et presque insaisissable qui se joue de toutes les tyrannies. De nos jours, les souverains les plus absolus de l'Europe ne sauraient empêcher certaines pensées hostiles à leur autorité de circuler sourde­ment dans leurs États et jusqu'au sein de leurs Cours. Il n'en est pas de même en Amé­ri­que: tant que la majorité est douteuse, on parle; mais dès qu'elle s'est irrévocable­ment prononcée, cha­cun se tait, et amis comme ennemis semblent alors s'attacher de concert à son char. La raison en est simple: il n'y a pas de monarque si absolu qui puisse réunir dans sa main toutes les forces de la société et vaincre les résistances, comme peut le faire une majorité revêtue du droit de faire les lois et de les exécuter.

Un roi d'ailleurs n'a qu'une puissance matérielle qui agit sur les actions et ne sau­rait atteindre les volontés; mais la majorité est revêtue d'une force tout à la fois matérielle et morale, qui agit sur la volonté autant que sur les actions, et qui empêche en même temps le fait et le désir de faire.

Je ne connais pas de pays où il règne, en général, moins d'indépendance d'esprit et de véritable liberté de discussion qu'en Amérique.

Il n'y a pas de théorie religieuse ou politique qu'on ne puisse prêcher librement dans les États constitutionnels de l'Europe et qui ne pénètre dans les autres; car il n'est pas de pays en Europe tellement soumis à un seul pouvoir, que celui qui veut y dire la vérité n'y trouve un appui capable de le rassurer contre les résultats de son indépen­dance. S'il a le malheur de vivre sous un gouvernement absolu, il a souvent pour lui le peuple; s'il habite un pays libre, il peut au besoin s'abriter derrière l'autorité royale. La fraction aristocratique de la société le soutient dans les contrées démocratiques, et la démocratie dans les autres. Mais au sein d'une démocratie organisée ainsi que celle des États-Unis, on ne rencontre qu'un seul pouvoir, un seul élément de force et de succès, et rien en dehors de lui.

En Amérique, la majorité trace un cercle formidable autour de la pensée. Au-dedans de ces limites, l'écrivain est libre; mais malheur à lui s'il ose en sortir. Ce n'est pas qu'il ait à craindre un autodafé, mais il est en butte à des dégoûts de tous genres et à des persécutions de tous les jours. La carrière politique lui est fermée: il a offensé la seule puissance qui ait la faculté de l'ouvrir. On lui refuse tout, jusqu'à la gloire. Avant de publier ses opinions, il croyait avoir des partisans; il lui semble qu'il n'en a plus, maintenant qu'il s'est découvert à tous; car ceux qui le blâment s'expriment hautement, et ceux qui pensent comme lui, sans avoir son courage, se taisent et s'éloignent. Il cède, il plie enfin sous l'effort de chaque jour, et rentre dans le silence, comme s'il éprouvait des remords d'avoir dit vrai.

Des chaînes et des bourreaux, ce sont là les instruments grossiers qu'employait jadis la tyrannie; mais de nos jours la civilisation a perfectionné jusqu'au despotisme lui-même, qui semblait pourtant n'avoir plus rien à apprendre.

Les princes avaient pour ainsi dire matérialisé la violence; les républiques démo­cratiques de nos jours l'ont rendue tout aussi intellectuelle que la volonté humaine qu'elle veut contraindre. Sous le gouvernement absolu d'un seul, le despotisme, pour arriver à l'âme, frappait grossièrement le corps; et l'âme, échappant à ces coups, s'élevait glorieuse au-dessus de lui; mais dans les républiques démocra­tiques, ce n'est point ainsi que procède la tyrannie; elle laisse le corps et va droit à l'âme. Le maître n'y dit plus: Vous penserez comme moi, ou vous mourrez; il dit: Vous êtes libre de ne point penser ainsi que moi; votre vie, vos biens, tout vous reste; mais de ce jour vous êtes un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges à la cité, mais ils vous deviendront inutiles; car si vous briguez le choix de vos conci­toyens, ils ne vous l'accorderont point, et si vous ne demandez que leur estime, ils feindront encore de vous la refuser. Vous resterez parmi les hommes, mais vous perdrez vos droits à l'humanité. Quand vous vous approcherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être impur; et ceux qui croient à votre innocence, ceux-là mêmes vous abandonneront, car on les fuirait à leur tour. Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je vous la laisse pire que la mort.

Les monarchies absolues avaient déshonoré le despotisme; prenons garde que les républiques démocratiques ne le réhabilitent, et qu'en le rendant plus lourd pour quelques-uns, elles ne lui ôtent, aux yeux du plus grand nombre, son aspect odieux et son caractère avilissant.

Chez les nations les plus fières de l'Ancien Monde, on a publié des ouvrages destinés à peindre fidèlement les vices et les ridicules des contemporains; La Bruyère habitait le palais de Louis XIV quand il composa son chapitre sur les grands, et Molière critiquait la Cour dans des pièces qu'il faisait représenter devant les courti­sans. Mais la puissance qui domine aux États-Unis n'entend point ainsi qu'on la joue. Le plus léger reproche la blesse, la moindre vérité piquante l'effarouche; et il faut qu'on loue depuis les formes de son langage jusqu'à ses plus solides vertus. Aucun écrivain, quelle que soit sa renommée, ne peut échapper à cette obligation d'encenser ses concitoyens. La majorité vit donc dans une perpétuelle adoration d'elle-même; il n'y a que les étrangers ou l'expérience qui puissent faire arriver certaines vérités jusqu'aux oreilles des Américains.

Si l'Amérique n'a pas encore eu de grands écrivains, nous ne devons pas en chercher ailleurs les raisons: il n'existe pas de génie littéraire sans liberté d'esprit, et il n'y a pas de liberté d'esprit en Amérique.

L'Inquisition n'a jamais pu empêcher qu'il ne circulât en Espagne des livres con­traires à la religion du plus grand nombre. L'empire de la majorité fait mieux aux États-Unis: elle a ôté jusqu'à la pensée d'en publier. On rencontre des incrédules en Amérique, mais l'incrédulité n'y trouve pour ainsi dire pas d'organe.

On voit des gouvernements qui s'efforcent de protéger les mœurs en condamnant les auteurs de livres licencieux. Aux États-Unis, on ne condamne personne pour ces sortes d'ouvrages; mais personne n'est tenté de les écrire. Ce n'est pas cependant que tous les citoyens aient des mœurs pures, mais la majorité est régulière dans les siennes.

Ici, l'usage du pouvoir est bon sans doute: aussi ne parlé-je que du pouvoir en lui-même. Ce pouvoir irrésistible est un fait continu, et son bon emploi n'est qu'un acci­dent.
Il n'y a pas à dire, tout de même, le père Tocqueville, il voyait loin...

mercredi 27 octobre 2010

Laurent Mucchielli dans ses oeuvres

Comme pour illustrer ce que je disais récemment à son sujet, Laurent Mucchielli s'est fendu de cette déclaration, en réponse au dernier bilan de l'Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales, qui fait état d'une augmentation de 83,7% du nombre de mineurs de sexe féminin mis en cause dans des affaires d'atteinte aux personnes :
Le comptage policier reflète mal la réalité. [Ces chiffres] ne sont en rien un sondage permanent de l’état de la délinquance en France [...] Car, chez nous, comme dans d’autres pays, la plupart des infractions ne sont pas dénoncées à la police ou la gendarmerie.
Ainsi, de toute évidence, notre ami sociologue, qui se présente et qu'on présente comme un scientifique, n'est pas capable de saisir la différence entre une valeur et l'évolution de cette valeur, concepts dont on pourrait pourtant s'attendre à ce qu'ils soient maîtrisés par n'importe quel scientifique, voire par n'importe quel collégien médiocrement doué. Il est un peu comme quelqu'un à qui l'on dirait que la température a augmenté depuis ce matin, et qui répondrait que c'est faux au motif que le thermomètre utilisé pour mesurer la température sous-estime systématiquement cette dernière parce qu'il est à l'ombre.

Peu importe que les chiffres ne mesurent pas de manière fiable le nombre d'atteintes aux personnes, ce qui par ailleurs est probablement vrai, si l'on veut pouvoir soutenir que le nombre d'actes délinquants commis par des mineurs de sexe féminin n'augmente pas, il faut démontrer que l'instrument qui sert à les comptabiliser n'est pas fiable pour calculer l'évolution de cette délinquance. Or, cela suppose de montrer que la proportion de ces délits qui apparaissent dans les chiffres produits par cet instrument n'est pas constante, mais qu'elle a augmenté plus rapidement que le nombre des délits en question sur cette période. Autrement dit, il faudrait montrer que la proportion des délits avec violence commis par des filles signalés aux autorités, par rapport au nombre total de ces délits, a augmenté plus vite au cours de cette période que le nombre de ces délits qui ont été signalés à la police ou à la gendarmerie. Or, d'une part, c'est impossible du fait que, par la force des choses, on ne connaît pas le nombre total de ces délits, mais seulement celui de ceux qui sont parvenus à la connaissance des autorités. D'autre part, quand bien même il serait théoriquement possible de vérifier si c'est le cas, il est clair que c'est tellement improbable qu'on s'apercevrait évidemment que ce n'est pas le cas. Cela voudrait dire en effet que les victimes d'agressions par des mineurs de sexe féminin étaient au moins 83,7% davantage enclines à porter plainte en 2009 qu'en 2004.

Mais comme apparemment la connerie est contagieuse, le journaliste qui a interrogé Mucchielli - un certain Alain Morvan - conclut son article par cette remarque qu'il croit sans doute particulièrement brillante et pleine d'esprit :
L'idée selon laquelle il s’agit d’un « phénomène nouveau » laisse circonspect. Tous les deux ans, dans ses bilans chiffrés, l’ONDRP remet sur la table l’explosion de la violence chez les filles. Ensuite, en se replaçant dix ans en arrière, on constate que les duos, bandes ou gangs de sexe féminin faisaient... déjà les gros titres de la presse.
Donc, si l'on suit l'étrange logique de notre ami journaliste, qui cependant reproduit un type d'argument hélas assez répandu, si quelqu'un a dit à plusieurs reprises qu'il allait mourir et qu'il est toujours vivant, il faut en conclure qu'il est immortel... Il ne semble pas comprendre que, non seulement ce n'est pas parce que les gens ont pu se tromper par le passé en s'imaginant que la violence augmentait qu'ils ont forcément tort de penser aujourd'hui qu'elle augmente, mais encore qu'il est tout à fait possible que la persistance de ces titres dans les journaux s'explique tout simplement par la persistance du phénomène. De la même façon, cela fait plusieurs siècles que les journaux parlent des progrès accomplis par les sciences, mais à ma connaissance personne n'en tire la conclusion que le progrès scientifique est un mythe, encore qu'à lire Mucchielli on pourrait se demander si ce n'est pas en effet le cas...

lundi 25 octobre 2010

Hommage au Clemenceau du Languedoc

Je viens d'apprendre avec consternation la mort de Georges Frêche. On va bien s'emmerder maintenant qu'il n'est plus là pour animer les campagnes électorales. Certes, c'était à bien des égards un gros con, mais c'était un con qui avait de l'allure, ce qui change tout. En fait, je crois que c'était le dernier homme de gauche, il ne reste plus à présent que des progressistes, dans le genre de ceux qu'on peut trouver ici aux États-Unis, pour qui le combat politique se réduit à la défense des droits des pédés et des clandestins. J'ajouterai que c'était un homme cultivé, ce qui hélas n'est pas courant chez nos politiciens, voire même franchement exceptionnel. Il n'y a qu'à voir comment il a rénové Montpellier, c'est-à-dire sans trahir l'architecture néo-classique du centre historique, pour s'en convaincre. Évidemment, ce n'est pas Martine Aubry qui aurait pu faire construire le quartier Antigone, elle aurait plutôt fait installer quelque saloperie du genre qui plait dans les salons parisiens, comme tous ces petits maires incultes dont l'unique but dans la vie semble être de défigurer nos centre-villes. Bref, en guise d'hommage, je n'ai rien trouvé de mieux que cette vidéo, dans laquelle l'artiste répond aux pleurnicheries d'un élu de l'opposition, lequel est soit dit en passant tout à fait ridicule, en rentrant dans le lard d'un plumitif du Midi Libre qui s'était ému de ce que Frêche critiquait le foulard islamique pendant ses cours à l'université. Comme d'habitude, il dit un gros paquet de conneries, mais il n'empêche que c'est assez jouissif, le journaliste en question, pour ne citer que lui, s'en trouvant assez chaudement habillé pour l'hiver.



P.S. : je viens d'apprendre que cette pauvre Hélène Mandroux, qui décidément n'en finit pas de se ridiculiser, avait prévu de sortir son pamphlet contre Frêche mercredi, c'est-à-dire le jour même de ses obsèques. Il n'y avait vraiment que lui pour trouver le moyen de claquer exactement au moment où doit sortir un livre contre lui, ce qui est assurément le meilleur moyen de faire passer pour une conne cette pauvre femme, qui n'avait cependant pas besoin de cela. J'en profite également pour ajouter cette vidéo, où Frêche donne un cours de politique absolument magistral, que les crétins de la rue de Solférino auront vite fait de rejeter comme du populisme, mais qui explique pourtant pourquoi ils perdent toutes les élections depuis tant d'années et pourquoi ils continueront à les perdre.

dimanche 17 octobre 2010

Le discours de la peur

L'un des arguments favoris des procureurs de la bien-pensance qui sévissent un peu partout de nos jours, lorsqu'un malotru s'avise de faire une remarque qui n'est pas de leur goût, consiste à rétorquer à cet impudent petit rabat-joie qu'il ne fait que véhiculer le discours de la peur. Naturellement, il est évident que c'est surtout un moyen pour ces chasseurs de fascistes et autres résistants en canapé d'éviter de répondre sur le fond, mais il me semble néanmoins qu'on ne remarque pas assez souvent à quel point cet argument, si tant est qu'on puisse qualifier de la sorte cette rengaine, qu'il est d'usage d'asséner sur un ton inquiet, censé trahir sa consternation et son malaise, est profondément et incroyablement con. J'aimerais en effet qu'on m'explique en quoi la peur est forcément un sentiment illégitime et irrationnel ? Si je me tiens sur une route et que je vois une voiture me foncer dessus à toute vitesse, je ressens effectivement de la peur, ce qui m'amène à me jeter sur le bas-coté afin d'éviter de finir comme un vulgaire hérisson écrasé sur le bitume, mais je dois avouer que je ne vois là rien que de très rationnel. Que faudrait-il donc que je fasse au lieu de cela ? Si l'on en croit tous les crétins qui nous assomment avec cet argument à la con, il faudrait que je reste tranquillement sur la route en attendant d'être réduit à l'état de compote, expliquant aux imbéciles qui m'enjoignent de foutre le camp, au mieux qu'ils n'ont rien compris, au pire que ce sont des personnages douteux qui essaient de jeter le trouble dans mon esprit en m'inspirant de la peur.

La civilisation européenne est un hérisson sur lequel fonce un trente-cinq tonnes et qui ne trouve rien de mieux à faire que de rester tranquillement le cul posé sur le bitume en attendant qu'il lui passe dessus. C'est d'ailleurs à se demander si cette pauvre bête n'est pas fatiguée de vivre, au point qu'elle se dit que, finalement, ce trente-cinq tonnes est un moyen comme un autre de mettre un terme à son existence, puisque de toute façon elle n'a même plus la force de croire qu'elle vaut quelque chose, d'ailleurs elle est même convaincue qu'elle n'a jamais valu quoi que ce soit. Après tout, si l'on regarde un peu la vie de ce hérisson, que voit-on sinon une suite sans fin de crimes à l'encontre des fourmis et des autres insectes qu'il a opprimés jusqu'à plus soif ? Il est d'ailleurs étonnant qu'un aussi fieffé salop que cet animal soit convaincu de n'avoir rien à craindre, pas même de la part de ces insectes qu'il martyrisait il y a peu encore, et qui à ce qu'on dit en souffrent encore aujourd'hui. Mais que voulez-vous, on ne peut pas demander à un hérisson de faire preuve de logique, pas plus qu'à un journaliste, du moins pas beaucoup plus.

Bref, laissons là notre hérisson pour revenir à notre sujet, ce qui est particulièrement intéressant avec ceux qui nous gratifient de cet argument, c'est qu'ils passent eux-mêmes leur temps à essayer de nous faire peur, à nous expliquer qu'au rythme où vont les choses, avec l'ambiance nauséabonde qui règne en ce moment, on risque de voir ressurgir les heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire. On pourra d'abord remarquer que, depuis le temps qu'ils nous prédisent le retour de la bête immonde et qu'on l'attend toujours, cette pauvre bête a dû passer l'âge de la ménopause depuis un moment et que son ventre ne doit plus être très fécond. Mais enfin ce qui est surtout étonnant, c'est que visiblement la peur n'est pas mauvaise pour tout le monde. De toute évidence, il y a les bonnes et les mauvaises peurs, celles auxquelles il convient de prêter attention et celles qu'il faut taire à tout prix.

En un sens, ce n'est d'ailleurs pas faux, en cela qu'il y a en effet des peurs parfaitement rationnelles et d'autres tout à fait irrationnelles. Par exemple, quand je crains de voir l'Europe disparaître sous l'effet de l'immigration, c'est une peur tout ce qu'il y a de plus rationnelle, dont je peux démontrer qu'elle est fondée sur une réalité, à savoir les données de la démographie du continent. En revanche, quand un crétin se croit obliger de nous expliquer, à mots plus ou moins couverts comme s'il risquait lui-même d'être déporté si l'on apprenait qu'il avait osé bravé ainsi la loi du silence, qu'il craint de voir la France revenir à Vichy à cause des expulsions de Roms, cette peur, qui parfois (c'est triste mais vrai) n'est même pas feinte, est parfaitement irrationnelle. J'aimerais en effet qu'on explique en quoi le fait d'expulser quelques poignées de Roms avec indemnité à la clé, qui par dessus le marché pourront s'empresser de revenir une semaine plus tard, s'apparente à la déportation des Juifs vers les camps de la mort pendant la Seconde Guerre mondiale.

En vérité, il n'y a rien de plus utile que la faculté de pouvoir ressentir de la peur, à condition que celle-ci ne soit pas paralysante. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la quasi totalité des animaux ont cette faculté. En effet, si l'on examine cette question à l'aune de la théorie de l'évolution (vous savez cette théorie scientifique que les prêtres sodomiseurs d'enfants refusent d'accepter, du moins à ce qu'on dit), on s'aperçoit que c'est probablement parce qu'une espèce animale qui serait incapable de ressentir la peur n'aurait pas le temps de transmettre son patrimoine génétique et disparaîtrait rapidement, ou plus exactement elle n'aurait pas l'occasion d'apparaître. Imaginez quelqu'un, comme notre hérisson, qui ne connaît pas la peur, le genre franchement téméraire quoi, eh bien vous n'aurez aucun mal à vous figurer que cet individu ne fera pas de vieux os. Il en va de même pour les sociétés et les civilisations : une société qui ne craint jamais pour sa survie est appelée à disparaître assez rapidement, un peu comme notre hérisson avec le camion.

mardi 12 octobre 2010

L'État et le monopole de l'exercice de la violence légitime

Vous avez sans doute suivi l'histoire de René Galiner, ce vieil homme qui a tiré sur deux gamines en train de le voler, avant d'être jeté en prison où il est toujours à l'heure qu'il est. Je suis tombé récemment sur le texte des motifs de l'arrêt prononçant la reconduction de sa mise en détention, dont je vous livre un extrait qui m'a semblé particulièrement significatif :
Seule l’importance symbolique attachée à la mesure de détention provisoire est de nature à ramener l’ordre et à rappeler que l’exercice de la violence légale est le monopole de l’État républicain.
 Je n'ai pas l'intention de commenter la décision de la chambre de l'instruction, n'étant pas suffisamment au fait de cette affaire pour émettre une quelconque opinion à ce sujet, encore qu'il me paraisse pour le moins étonnant, quand bien même cette décision serait-elle justifiée, qu'on laisse cet homme en prison quand, dans le même temps, on remet en liberté des criminels avérés. Ce qui m'intéresse, c'est plutôt le motif invoqué pour la justifier, qui me paraît tout à fait représentatif de la démission de l'État. On voit en effet un organe de justice, émanation de l'État, expliquer que le seul moyen d'assurer le monopole de celui-ci sur l'exercice de la violence légitime, c'est qu'il se refuse à l'exercer. Outre le caractère paradoxal de cette explication, pour ne pas dire absurde, les magistrats qui ont pris cette décision ne craignent pas même d'expliquer ouvertement que c'est par crainte de la réaction de l'une des parties qu'ils ont décidé la reconduction de la mise en détention du prévenu.

C'est un aveu terrible et le fait qu'on puisse l'exprimer officiellement sans que cela n'étonne personne dit beaucoup sur l'état de déliquescence intellectuelle et morale dans lequel nous sommes plongés. L'État ne peut d'ailleurs pas se réfugier derrière l'indépendance de la justice, comme l'UMP s'efforce de le faire depuis quelques jours, puisqu'en l'occurrence un membre du parquet siège à la chambre d'instruction et qu'il est difficile d'imaginer que cette décision n'émane pas de lui. Il me semble pourtant qu'il y a un moyen beaucoup plus sûr de rappeler que l'État détient le monopole de l'exercice de la violence légitime, c'est tout simplement qu'il l'exerce et qu'il brise les résistances de ceux qui le lui contestent. Croyez-vous que Richelieu aurait finassé avec des gens qui mettent en cause l'autorité de l'État ? À l'heure qu'il est, s'ils avaient osé se révolter, il y aurait déjà un gitan pendu tous les dix mètres dans la ville qu'ils ont mise à sac, ce qui passerait l'envie à tous les autres de les imiter. La même chose vaut pour les banlieues (car, il ne faut pas l'oublier, ces histoires de Roms sont anecdotiques au regard du véritable problème) : on voudrait nous faire croire que le problème est très difficile à régler et que cela prendra énormément de temps. Mais que l'État cesse de se dérober à ses responsabilités et vous verrez que le problème, prétendument impossible à régler, aura disparu en l'espace de quelques mois. Le véritable problème est que depuis trente ans, les gens à la tête de l'État ne croient plus à la légitimité de l'usage de la violence pour faire respecter son autorité. C'est donc avant tout un problème idéologique, qui tient à ce que la notion d'autorité elle-même n'a plus aucun crédit, du moins dans l'esprit des membres de la classe dirigeante, qui ont érigé la veulerie en politique d'État. Fort heureusement, ce n'est pas le cas dans le peuple, ce qui laisse espérer qu'un jour on revienne à des moeurs politiques plus saines.

vendredi 8 octobre 2010

Histoire de France et diversité

Je viens de regarder cette vidéo où François Reynaert, journaliste au Nouvel Observateur de son état, présente son dernier ouvrage (espérons que ce sera en effet le dernier), Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises, dans lequel il entend démonter les mythes dont notre histoire serait farcie. D'après la présentation de l'éditeur, il semble que le principal souci de cet individu soit que les Français puissent trouver quelque chose à admirer dans leur histoire, ce qu'il tient à démentir en nous montrant que nos grands hommes étaient tous d'abominables personnages, et que, pire encore, ils n'étaient même pas des femmes. Bref, dans le cours de cette présentation, il a cette phrase que je trouve admirable :
Les musulmans, par exemple, il y a eu une présence musulmane au VIIIème siècle en France...
Évidemment, il oublie de préciser que les musulmans en question, loin de nous "enrichir de leurs apports", passaient le plus clair de leur temps à mettre à sac les villes du Midi de la France. Finalement, quand on considère la situation actuelle, on se dit que les choses n'ont pas tellement changé depuis ce temps-là... Quand j'aurai le temps, j'écrirai un billet sur cette propagande à la con, qui veut que notre pays soit le "résultat de vagues d'immigration successives", contre tout évidence. Ainsi, il n'y a pas jusqu'au titre de l'ouvrage de cet abruti qui ne soit une connerie, puisque contrairement à ce qu'on essaie de nous faire croire, tout indique en effet que la plupart des Français ont pour ancêtres les Gaulois.

jeudi 7 octobre 2010

Puisqu'on vous dit que c'est scientifique

Il est entendu désormais que, si l'on veut traiter un sujet de société, que ce soit sur les plateaux de télévision ou dans les studios de radio, il convient d'inviter quelque chercheur en sciences sociales, du genre que personne ne comprend quand il parle, mais qu'on écoutera néanmoins avec admiration délivrer ses oracles au sujet du problème en question. Le rôle de ce personnage est tout à fait capital, puisqu'il consiste à essayer de nous convaincre que, même si ce que l'on voit a deux pattes, des ailes, des plumes, un bec et que cela fait "coin", bref, même si cela ressemble à s'y méprendre à un canard, ce n'est pourtant pas un canard. Comme en général ce qu'il dit est complètement absurde, si tant est que ce soit compréhensible, il doit passer son temps à nous rappeler que c'est un scientifique. Évidemment, s'il passe son temps à faire valoir ses titres de la sorte, ce n'est pas seulement par orgueil, encore qu'il soit généralement assez imbu de sa personne, c'est surtout un moyen de nous faire comprendre que son discours est légitime, qu'il est sanctionné par la science, bref, qu'il a raison, quand bien même cela peut nous sembler étrange, à nous qui ne sommes pas des scientifiques.

Ainsi, le prolétaire devant sa télévision, écoutant ce docte personnage asséner ses conneries sur un air entendu, se dit que finalement il a peut-être raison ce sociologue, qu'après tout lui n'est qu'un pauvre couillon, tandis que ce type, il est intelligent et bardé de diplômes. Il se dit que finalement, ce n'était peut-être pas un canard ce qu'il a vu. Certes, cela avait deux pattes, des ailes, des plumes, un bec et cela faisait "coin", mais enfin ce savant a dit que, même si cela ressemblait à un canard, ce n'était pas un canard, alors c'est probablement qu'en effet ce n'était pas un canard. J'ai toujours été sidéré d'observer ce mécanisme à l'oeuvre, de voir comment des idéologues sans la moindre aptitude scientifique, qui ne savent même pas parler français, peuvent réussir à faire passer leurs conclusions pour le résultat de la science la plus indubitable. Enfin, quand je dis que je suis sidéré, ne vous méprenez pas : on comprend sans peine le bénéfice que trouve le système médiatique à faire s'épancher ces prétendus scientifiques. Il est évident que tout ce qui peut aller dans le sens de la pensée unique, par exemple en lui donnant une caution scientifique, ne peut que ravir les petits soldats de l'ordre médiatico-politique.

Mais que valent donc les titres que ces personnages font valoir à longueur de temps pour donner du crédit à leurs délires ? Je crains que, la plupart du temps, ils ne valent pas grand chose. On pourrait croire que le fait d'être professeur à Sciences Po fait de vous quelqu'un de compétent, mais c'est à condition de n'avoir pas rencontré souvent des gens qui enseignent à Sciences Po. Prenez par exemple Bruno Latour, qui a été fait récemment directeur scientifique de l'IEP de Paris par Richard Descoings, cet Attila de l'université (là où il passe, l'intelligence ne repousse pas). Je vous encourage vivement à lire cet article, dans lequel M. Latour s'efforce de nous expliquer que Ramsès II, dont on a découvert à la suite d'une autopsie pratiquée à Paris en 1976 qu'il était mort de la tuberculose, n'avait pas pu mourir de la tuberculose, au motif que cette maladie n'avait pas été découverte à l'époque où il est mort. La conclusion de ce remarquable scientifique, que soit dit en passant tous les spécialistes de philosophie des sciences dans le reste du monde considèrent comme un escroc, est que d'une certaine façon il est exact d'affirmer que Ramsès II n'a attrapé la tuberculose qu'en 1976, quand son corps a été autopsié. Cet exemple me paraît typique de la façon dont procèdent ces soi-disant scientifiques qui peuplent nos écrans de télévision.

Il s'agit de faire une déclaration grandiloquente et complètement absurde, comme "Ramsès II n'est pas mort de la tuberculose, puisqu'il n'a attrapé cette maladie qu'en 1976", ce qui est un moyen très sûr de s'attirer l'admiration des journalistes et des étudiants, qui sont toujours attirés par ce genre de formules à la con, tout en gardant la possibilité d'en livrer une interprétation plus raisonnable, mais qui fait de cette déclaration un truisme qui ne mérite certes pas qu'on y consacre des livres entiers. Ainsi, quand on fait remarquer à Bruno Latour qu'il est complètement stupide de prétendre que Ramsès II n'a pas pu mourir de la tuberculose parce qu'elle n'existait pas à l'époque, il se rabat sur la seule interprétation de ses propos qui ait un sens, mais qui ne présente pas le moindre intérêt, à savoir que ce qu'il a voulu dire, ce n'était pas que Ramsès II n'était pas mort de la tuberculose, puisque celle-ci n'existait pas avant sa découverte, c'était plutôt qu'il était certes mort de la tuberculose, mais qu'à l'époque on ne savait pas exactement en quoi consistait la maladie qui l'avait emporté. Mais alors pourquoi n'avoir pas dit cela et s'être fendu de cette déclaration tout à fait absurde ? Tout simplement parce que, s'il avait dit cela, tout le monde aurait pu s'apercevoir que ce n'était qu'un connard payé à pondre des truismes, auxquels il donne des allures de grandes découvertes. D'ailleurs, dans cet article, il fait tout pour écarter l'interprétation de bon sens de ces propos, ce qui met en évidence la malhonnêteté dont il fait preuve lorsqu'il répond à ses critiques en mettant cette interprétation en avant.

Je pourrais encore prendre beaucoup d'exemples qui montrent à quel point les soi-disant scientifiques ayant accès aux médias sont généralement des incapables et qu'il n'y a aucune raison de leur accorder le moindre crédit, à tous les sens du terme d'ailleurs. Mais si je commence à parler de Bertrand Badie (le robinet d'eau tiède régulièrement convié à s'exprimer dans le torchon de référence sur la politique internationale, sans doute pour nous donner l'occasion de constater à quel point il ignore tout du fonctionnement des relations internationales et de leur histoire), je crains que ce billet, qui commence déjà à s'allonger dangereusement, devienne vraiment interminable. Je résiste aussi difficilement à l'envie de voler dans les plumes de Laurent Mucchielli, cet idéologue tout ce qu'il y a de plus illuminé qui croit sincèrement être un scientifique, alors même qu'il ignore jusqu'aux lois les plus élémentaires de la logique. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je n'ai rien contre les intellectuels, mais encore faut-il qu'ils en soient, ce qui n'est pas le cas de la plupart des oiseaux qu'on présente comme tels dans les médias, lesquels n'entretiennent généralement avec tout ce qui se rapporte à l'intellect qu'un lien extrêmement distant. Il y a des gens très compétents qui travaillent sur la philosophie des sciences, les relations internationales ou la délinquance, mais ils ne sont généralement pas invités à s'exprimer dans les médias.

On leur préfère de loin des gens qui n'ont aucune formation scientifique véritable, et dont la production est écrite dans un jargon qui n'a aucune justification, sinon que cela leur permet de se donner des airs de scientificité. En effet, la plupart des gens, quand ils sont confrontés à ce jargon, ont tendance à se dire que, puisqu'ils n'y comprennent rien, c'est très certainement que cela doit être intelligent. C'est d'ailleurs très précisément le but de la manoeuvre, bien que tout le monde n'en soit pas conscient. En réalité, quand ce qu'on lit reste incompréhensible, peu importe le temps qu'on y passe, c'est tout simplement qu'il n'y a rien à comprendre. Il est très frappant que les gens qui emploient ce jargon sont absolument incapables d'expliquer ce qu'ils ont voulu dire quand on leur demande d'être clairs. En d'autres termes, une grande partie de ce qui est écrit dans les revues de sciences sociales, du moins en France, n'a tout simplement aucun sens. J'ai assisté un nombre incalculable de fois à des discussions dans lesquelles personne ne savait de quoi il était question, ce qui n'empêchait pas les discussions en question de se dérouler sur le ton le plus sérieux et parfois de s'éterniser pendant des heures.

Évidemment, pour dire des choses intelligentes et sensées sur la science, par exemple, il faut avoir soi-même un minimum d'éducation scientifique, connaître un peu les mathématiques, etc. Mais tout cela prend du temps et demande du travail, sans compter qu'en général ces gens-là n'ont de toutes façons aucune aptitude à cela. Alors ils préfèrent balancer des absurdités comme "les lois de la physique sont des constructions sociales", ce qui ne coûte rien et peut au contraire rapporter gros, puisqu'ils sont sûrs de cette façon qu'ils vont plaire aux hordes de sociologues et d'étudiants en sciences sociales (je parle des médiocres) qui vont pouvoir s'imaginer qu'on peut annexer à la sociologie les sciences de la nature. Bref, pour revenir à ce que je disais au début, j'aimerais bien qu'on m'explique au nom de quoi il faudrait qu'on reconnaisse une quelconque légitimité à ces dégénérés... Pour autant, l'anti-intellectualisme n'est pas une solution, même s'il est hélas assez répandu dans les milieux de droite, ce qu'on peut d'ailleurs comprendre compte tenu de ce que j'ai dit. En effet, je crois qu'il ne faut surtout pas craindre la discussion rationnelle, parce qu'elle nous donnera toujours raison. J'irais même jusqu'à dire que le combat est d'abord intellectuel : l'une des grandes forces de la gauche est de l'avoir compris, il faut désormais que la droite l'imite. L'état de déliquescence intellectuelle et morale dans lequel nous nous trouvons n'est pas le produit du rationalisme, c'est au contraire le résultat de son dévoiement et de sa perversion par des gens qui se présentent comme ses défenseurs, alors qu'ils en sont les fossoyeurs.

lundi 4 octobre 2010

L'art c'est l'art

Je viens de tomber sur un article du Monde au sujet du groupe de rap Sexion d'assaut, dont le nom seul, avec le subtil jeu de mot qu'il contient, montre assez le génie artistique de ses membres. L'article traite de la demande d'un élu de la Ville de Paris, qui voudrait qu'on interdise un concert de ce groupe, au motif que ses membres seraient homophobes. En effet, voici par exemple ce qu'on peut entendre dans l'une de leurs chansons, si tant est que l'on puisse qualifier de la sorte les borborygmes dont ils affligent nos oreilles :
Je crois qu'il est grand temps que les pédés périssent, coupe-leur le pénis, laisse-les morts, retrouvés sur le périphérique.
On admirera la délicatesse du propos, la beauté de la langue et le bon goût dans ce texte, qui, j'en suis sûr, feront un jour l'objet d'une admiration universelle. Outre ce chef-d'oeuvre de l'esprit humain, l'un des abrutis du groupe en question s'était vanté auparavant d'être homophobe. Bref, personnellement, je me contrefous de cette histoire, mais il se trouve que, face à la polémique, ce garçon s'est défendu d'être homophobe. Voici donc ce qu'il a dit :
Je ne connaissais pas le sens du mot homophobe.
 Je ne sais pas vous, mais moi, j'ai beau savoir qu'il nous prend pour des cons, quand il dit cela, je le trouve étonnamment crédible...

Déclaration de guerre

Figurez-vous que j'étais hier tranquillement en train de lire, le cul posé sur mon canapé, quand soudain mon oeil remarqua quelque chose sous mon bureau. Je lève donc les yeux de mon bouquin et m'aperçois qu'une souris est en train de se balader dans mon appartement, comme si de rien n'était. Il est vrai que je soupçonnais la présence chez moi d'une de ces bestioles depuis quelques jours, ayant retrouvé ces derniers temps des fientes disséminées un peu partout dans mon appartement. C'était donc Élizabeth (puisque c'est ainsi que j'ai décidé de l'appeler) qui me faisait savoir qu'elle avait investi la place. Tant que ce n'était que cela, je pouvais encore le tolérer, mais hier elle a franchi une étape dans la provocation, en allant notamment remuer sa queue pleine de merde juste sous mon nez, près de mon ordinateur dont je ne doute pas qu'elle commencera bientôt à bouffer les fils. Comme ces saloperies se reproduisent plus vite qu'un couple d'immigrés subventionnés (il fallait bien que je dise quelque chose dans ce goût-là, au risque de décevoir les éventuels gauchistes passant dans le coin), j'ai intérêt à prendre le problème à bras le corps rapidement si je ne veux pas bientôt avoir à me battre avec des rongeurs pour savoir qui aura la couverture. Je suis donc allé me coucher hier soir avec la tête pleine de pensées souricides et je me suis réveillé ce matin d'humeur à commettre un massacre. S'il y a des "républicains" par ici, rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de créer deux catégories de souris, ni de me livrer à la moindre discrimination. Au contraire, je suis décidé à faire un carnage méthodique et impitoyable, qui ne souffrira aucune exception : depuis le plus innocent souriceau jusqu'au plus vicieux rat d'égout, je vais envoyer tout ce beau monde déféquer au paradis des rongeurs plutôt que sur mon parquet. Si après cela, je dois être jugé pour génocide, pour n'avoir pas su apprécier les bienfaits de la diversité dans mon appartement, qu'on aura pour l'occasion étendue au reste du règne animal, ainsi soit-il. Bref, c'est la guerre, ici comme ailleurs.

dimanche 3 octobre 2010

Épiphanie

Il vient de m'apparaître (d'où mon titre, pour ceux d'entre vous qui ne suivent pas) que, n'ayant mis personne au courant de l'existence de ce blog, j'étais probablement mon unique lecteur. Il y a bien quelqu'un de Singapour qui est passé, mais comme je ne vois pas ce qu'un Chinois viendrait faire ici, je mets cela sur le compte d'une erreur. Ma foi, cela n'est pas très grave, car après tout, je suis d'excellente compagnie. En fait, n'ayons pas peur des mots, de toutes les personnes que je connais, je suis - de très loin - celle qui m'intéresse le plus. Il se pourrait même bien que j'aie inventé le concept du blog à usage personnel, ce qui, vous en conviendrez, me rendrait encore plus intéressant que je ne l'étais déjà.

jeudi 30 septembre 2010

Fred

J'ai décidé de créer une nouvelle rubrique, qui se veut un monument à la connerie du genre humain. En effet, j'étais tantôt en train de lire l'article du Monde consacré à la mort de Georges Charpak, événement regrettable s'il en est, quand mon oeil fut attiré par le commentaire d'un certain Fred, lequel nous gratifiait de cette remarque pleine d'esprit et surtout d'à-propos :
C’est dingue comme le cv de ce grand homme est à l’opposé de celui de notre guide de l’Elysée...formation, attitude, vision de la société et de l’avenir...
Eh bien mon cher Fred, quant à moi, ce qui m'étonne, ce n'est pas la différence entre Georges Charpak et celui de Nicolas Sarkozy, dont je dois même confesser qu'elle m'avait tout à fait échappé, c'est plutôt qu'on puisse trouver si facilement des gens comme vous, c'est-à-dire tellement cons qu'ils se croient obligés de tout ramener à notre cher Président, jusqu'à la mort d'un prix Nobel de physique. Inutile de préciser que cet individu ignorait probablement jusqu'à l'existence de Georges Charpak avant de tomber sur cet article... Bref, il m'a semblé que notre ami Fred méritait d'inaugurer cette nouvelle rubrique, que je sens promise à un long et brillant avenir.

Le racisme n'est pas une opinion, c'est un délit

J'entendais encore récemment cette rengaine à la con, qu'on entend assez régulièrement sur les plateaux de télévision et de radio, dans la bouche de Mohammed Sifaoui, lequel était reçu chez Ménard pour parler de son pamphlet contre Zemmour. Il semble qu'à chaque fois que quelqu'un prononce cette phrase, il entend qu'elle mette fin d'autorité à la discussion, comme si c'était une sorte d'arrêt divin , gravé dans le marbre en haut de quelque mont Sinaï, devant lequel nous autres pauvres mortels ne pouvons que nous incliner comme des Bénédictins devant la Sainte Couronne. En général, les choses se passent à peu près de cette façon, quelqu'un fait une remarque qui n'est pas trop du goût de l'un des membres du clergé politico-médiatique présents sur le plateau, lequel se tourne alors vers l'impudent et lui dit sur le ton de l'évidence : "Mais enfin mon bon Monsieur, vous n'êtes donc pas au courant ? Le racisme n'est pas une opinion, c'est un délit. Alors s'il-vous-plait fermez donc un peu votre claque-merde et laissez-moi reprendre mon explication au sujet des vertus du métissage et du multiculturalisme."

La question que je me pose invariablement quand j'entends quelqu'un débiter cette connerie est la suivante : mais qui donc a bien pu décréter que cela ne pouvait pas être à la fois une opinion et un délit ? En effet, il est évident que le racisme est à la fois une opinion et un délit : c'est une opinion parce que c'est une proposition que chacun peut fort bien examiner en tant que telle et c'est un délit parce qu'une bande d'abrutis a décidé de pondre une loi qui sanctionne l'expression de cette opinion. À moins bien sûr que nos amis censeurs - qui sont par ailleurs, ne vous y trompez pas, les plus ardents défenseurs de la liberté d'expression, à condition naturellement qu'elle ne soit pas trop libre quand même - prétendent à légiférer sur ce qui se passe dans le secret des âmes, ce qui n'est d'ailleurs peut-être pas si éloigné de ce à quoi ils aspirent en effet... Quoi qu'il en soit, dès que j'aurai le temps, je me fendrai d' un billet sur le racisme, dans lequel je m'efforcerai de distinguer plusieurs thèses que l'on confond sous cet unique vocable, en tâchant d'expliquer pourquoi, d'après moi, parmi ces différentes variétés de racisme, si tant est qu'il soit judicieux de les appeler ainsi, une seule mérite vraiment la condamnation dont on les frappe toutes indistinctement.

lundi 27 septembre 2010

Quelques raisons d'espérer

Histoire de démentir le pessimisme du titre de ce blog, dont je m'aperçois d'ailleurs qu'il est aussi grandiloquent que ridicule, je voudrais vous faire partager les raisons d'espérer qui ont contribué à me rendre plutôt optimiste ces derniers temps. Je vais pour l'essentiel me contenter de répéter ce que j'ai déjà écrit sur le blog de Marie-Thérèse Bouchard. Voilà, depuis quelque temps, il m'est apparu que les choses avaient considérablement évoluées par rapport à il y a une période encore récente, non seulement en France, mais plus généralement dans toute l'Europe. En France, il me semble que la cause de cette évolution, en tout cas l'une de ses causes, a été le prétendu débat sur l'identité nationale. Je crois en effet que, certes bien à son insu, Éric Besson a ouvert la boîte de Pandore, en cela qu'il a donné l'impression aux gens qu'ils pouvaient dire ce qu'ils pensaient. Je veux dire par là qu'avec le pseudo-débat du félon de la rue de Solférino, ainsi qu'avec les déclarations de quelques membres éminents de la majorité au cours des derniers mois, dans lesquelles ils se sont laissés aller à employer des formules qu'ils auraient autrefois condamné avec la dernière énergie, la droite dite respectable ou parlementaire (je me demande bien comment "parlementaire" a pu devenir interchangeable avec "respectable", mais c'est une autre histoire) a donné aux gens des raisons de penser que leur sentiment sur la situation n'était pas illégitime, qu'il ne s'agissait pas de mauvaises pensées qu'il leur fallait s'efforcer de réprimer, mais que peut-être il y avait là quelque vérité qu'il n'était pas indécent de vouloir énoncer à voix haute.

J'ajoute d'autre part, comme je l'ai déjà dit, qu'on peut observer un phénomène similaire dans toute l'Europe. Dans quinze ans, nos idées seront devenues si courantes qu'elles seront défendues par le clergé politico-médiatique, dont la capacité d'adaptation n'est pas la moindre des qualités (c'est même sans doute la seule), comme si elles lui avaient toujours semblé aller de soi. Cela ne viendra certes pas d'une révolte des masses, que des siècles de centralisation administrative ont rendues apathiques, en tout cas pas d'une révolte au sens habituel du terme, mais du fait que les politiciens ne désirent rien plus qu'être élus, et qu'ils ont mis en branle un mécanisme qu'ils ne contrôlent pas. Au cours des derniers mois, du seul fait que, dans l'espoir d'en obtenir un bénéfice électoral (lequel espoir n'est d'ailleurs pas infondé, non parce qu'ils vont gagner des voix, mais parce que la gauche en perdra à force de brailler contre la "dérive vichyste du gouvernement"), le gouvernement et certains politiciens de droite ont commencé d'employer des expressions autrefois bannies du discours public (même s'ils faisaient en sorte de les glisser au milieu de l'habituel apologie du multiculturalisme et discours sur les-vagues-d'immigration-qui-ont-fait-la-France), ils ont donné l'impression aux gens qu'ils pouvaient dire ce qu'ils pensaient.

Bien sûr, les politiciens de l'UMP qui emploient ces formules n'en pensent pas un mot, mais ce qu'ils n'ont pas compris selon moi, c'est qu'ils ont mis le doigt dans un engrenage dont ils ne pourront plus sortir. On n'hésite plus à discuter de l'éventualité d'un lien entre l'immigration et la délinquance, alors qu'il y a quelques années la simple évocation de cette possibilité vous condamnait à la mort publique plus sûrement qu'une profession d'athéisme vous envoyait au bûcher sous Torquemada, une expression comme "Français de souche" est même devenue courante dans les médias, alors qu'il y a encore trois ans l'employer suffisait à faire de vous un paria à vie, etc. Peu importe qu'ils n'aient été animés que par des motifs purement électoraux, ces braves députés ont créé une attente dans la population, en légitimant un discours que celle-ci croyait inacceptable, parce que cela faisait trente ans qu'on lui répétait qu'il l'était. À l'avenir, s'ils veulent être élus, il faudra donc qu'ils s'efforcent de répondre à cette attente qui a fait irruption dans l'esprit public du fait même qu'elle a désormais le droit de s'exprimer, ce qui va inévitablement les mener à la surenchère pour ne pas perdre les élections. Même la gauche ne pourra pas toujours refuser de participer à cette surenchère, elle y sera bien contrainte à force de perdre les élections (le problème pour la gauche, c'est qu'ayant abandonné tout programme de réforme sociale, le droit-de-l'hommisme est devenu consubstantiel à son identité, ce qui rend extrêmement difficile son abandon).  Certes, pour l'instant, il ne s'agit que d'une surenchère verbale, qui ne va d'ailleurs pas bien loin, mais cela ne pourra pas durer éternellement, parce que sinon les Français risquent d'aller voir ailleurs, par exemple du coté d'un parti dont le sigle comprend un "F", un "N" et qui compte moins de trois lettres.

Pour l'heure, nous vivons encore dans une sorte de totalitarisme doux, où l'expression de la parole publique est soigneusement contrôlée, non pas par une administration centrale et par la violence physique ou l'emprisonnement comme dans les dictatures de papa, mais par l'auto-conditionnement idéologique d'un classe médiatico-politique dont les membres, sans même avoir conscience de participer à un tel système, agissent de telle façon que tout déviant est automatiquement condamné à une mort sociale aussitôt qu'il fait connaître publiquement sa déviance. Quand la droite dite respectable, qui constitue une partie de ce système, a cédé à la tentation d'ouvrir une brèche dans ce déni du réel, fût-ce uniquement pour des raisons électoralistes et sans penser un traître mot de ce qu'elle disait (elle n'a d'ailleurs pas dit tant que cela), elle a commis l'erreur classique du totalitarisme qui accepte de lâcher du mou et bientôt se retrouve à poil. Dès lors qu'on tolère que ne serait-ce qu'un peu de la vérité soit dite, on est condamné à la voir bientôt sortir tout entière. Ce que j'ai dit au sujet des politiciens vaut également au sujet des journalistes, qui devront bien traiter les sujets dont les gens parleront de plus en plus ouvertement, au risque de les voir partir chez la concurrence et d'être assaillis de courriers de lecteurs ou d'auditeurs en colère. Bien sûr, ils essaieront d'habiller la vérité de façon acceptable selon leurs critères, mais le peuple a ceci de pratique qu'il ignore les subtilités et ne retient que l'essentiel. Ainsi, je regardais tantôt un reportage sur France 2 au sujet des travaux de Hugues Lagrange (ce qui soit dit en passant aurait été inimaginable il y a encore quelques mois), qui établit une corrélation entre l'origine ethnique et la délinquance. Naturellement, les journalistes en charge du reportage s'étaient efforcés de nuancer cette corrélation, notamment en donnant la parole à l'incontournable Laurent Mucchielli. Mais croyez-vous vraiment que le pékin de base retiendra les explications embrouillées de notre ami sociologue ? Non, tout ce qu'il retiendra, c'est que le sentiment qu'il avait plus ou moins distinctement auparavant, mais qu'il s'efforçait de réprimer plus ou moins consciemment parce que c'était mal de penser ainsi, eh bien cette impression n'était pas qu'une impression finalement, mais que c'était un fait et qu'on l'avait pris pour un con pendant des années.

Quand j'ai dit cela chez Mlle Bouchard pour la première fois, Roman Bernard m'a objecté qu'au contraire l'électoralisme de nos politiciens causerait notre perte, parce qu'ils avaient compris que l'évolution démographique favorisait l'élément extra-européen, de sorte qu'ils avaient intérêt à chercher à s'attirer les faveurs de l'élément en question. Il ajoutait que, par conséquent, à moins que mes prédictions ne s'accomplissent dans les dix années à venir, l'électoralisme des politiciens jouerait au contraire en notre défaveur. Anthony Naar abondait dans le même sens en me demandant ce que je pensais qu'il arriverait le jour où Houria Bouteldja se présenterait aux élections, par quoi il sous-entendait évidemment que mon raisonnement ne serait plus valable à compte du moment où l'élément allogène se serait doté d'une organisation politique dans le cadre des institutions politiques existantes. C'est une objection très intéressante et c'est pourquoi je voudrais également répéter ici la réponse que je lui avais faite là-bas.

Ainsi, j'entends bien ce que Roman Bernard et Anthony Naar disent au sujet des répercussions de l'évolution démographique sur le corps électoral, mais il me semble que leur argument pèche sur un point, à savoir qu'ils supposent que les gens d'origine étrangère votent autant que les Français de souche, ce qui n'est pas le cas. Si l'on prend une carte de la participation électorale et qu'on la superpose à une carte de la concentration des populations d'origine étrangère, il est aisé de constater que la participation varie en sens inverse de la proportion de gens d'origine étrangère. La raison de ce phénomène est évidente, c'est tout simplement que pour voter, il faut pouvoir s'identifier un minimum aux institutions politiques du pays dans lequel on vit, ce qui n'est pas le cas pour une grande partie de la population issue de l'immigration extra-européenne (c'est bien d'ailleurs tout le problème).

Il est cependant exact que beaucoup de politiciens ont fait le même calcul qu'eux, mais il faut également remarquer que tous ceux qui ont dragué l'électorat musulman ont systématiquement perdu. Par exemple, lors de la dernière élection présidentielle, cette opération de drague fut un élément de la stratégie de Ségolène Royal. En un sens, cela a marché, puisque dans les circonscriptions à forte concentration d'immigrés, elle a rassemblé plus de 80% des voix, mais comme les taux de participation dans les circonscriptions en question étaient ridiculement faibles, cela ne lui a pas rapporté grand chose. Sans compter que cela lui a sans doute aliéné une partie de l'électorat des Français de souche, qui ne voit généralement pas d'un très bon oeil les caresses que l'on doit faire aux immigrés dans l'espoir de s'attirer leurs faveurs.

Aussi imbéciles qu'ils puissent être, et Dieu sait qu'ils peuvent l'être, nos politiciens finiront par comprendre que cette stratégie est électoralement suicidaire. C'est pourquoi, selon moi, l'argument de Roman Bernard et d'Anthony Naar ne deviendra valable que lorsque la population d'origine extra-européenne aura acquis une prépondérance écrasante dans la population générale, ce qui fort heureusement prendra plus que dix ans. Tout au plus, cette stratégie consistant à draguer l'électorat musulman n'est-elle valable qu'à l'échelon local, et je crois que cela restera le cas encore (relativement) longtemps. En revanche, pour les raisons que j'ai indiquées plus haut (à savoir qu'une brèche, aussi infime soit-elle, a été ouverte dans le contrôle de la parole), il me semble que la lutte contre l'immigration et l'insécurité (pour ne citer que ces deux problèmes) va devenir électoralement très payante dans les années à venir.

Anthony Naar m'ayant demandé ce que je pensais qu'il arrivera quand Houria Bouteldja se présentera aux élections, je lui ai répondu qu'elle fera 0,2% et que cela fera monter le FN de 5%. D'autre part, puisqu'il m'a également demandé ce qui arriverait le jour où Ali Soumaré se présenterait à l'Assemblée nationale, j'ai répondu que, selon moi, il avait tort de penser que le seul fait de présenter aux élections des gens issus de l'immigration fera grimper le taux de participation au sein de la population d'origine étrangère, dans la mesure où c'est une prédiction qui a jusqu'à présent toujours été démentie par les faits. Par exemple, aux dernières élections régionales, dans le Val d'Oise, où Ali Soumaré était tête de liste, le taux de participation a très nettement baissé par rapport au scrutin de 2004, puisqu'il est passé de 63,64% à 44,48% (cf. ici et ). Maintenant, si l'on s'intéresse à cette évolution dans la commune de Villiers-le-Bel, d'où vient Ali Soumaré (et où l'on pouvait par conséquent s'attendre à voir le taux de participation progresser de la façon la plus spectaculaire), on voit que le taux de participation est passé de 55,73% à 35,67% (cf. ici et ). Autrement dit, non seulement on a également assisté à une chute du taux de participation dans une commune où la population d'origine étrangère est majoritaire, mais elle a même été plus encore importante que dans le reste du département.

Voilà, c'est tout pour aujourd'hui, je vous invite donc à vous réjouir, le vent est peut-être en train de tourner. Si malgré tout vous persistez à faire preuve de pessimisme (ce qui ne m'étonnerait pas, chiants comme vous êtes), essayez au moins de vous rappeler la devise de Charles de Téméraire : "Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer". Certes, je sais bien, on ne peut pas dire que ça lui ait franchement réussi à celui-là, mais enfin quoi, vous tenez vraiment à me gâcher ce bel optimisme qui m'a récemment gagné ? Bref, j'aurais quand même essayé... C'est étrange comme j'ai envie de répandre mon humeur guillerette du moment. C'est peut-être le propre des gens optimistes, mais j'avoue que j'ai trop peu d'expérience en la matière pour répondre à cette question. D'ailleurs, ça m'inquiète un peu cette soudaine poussée d'optimisme, dans la mesure où, après tout, le pessimisme est un peu consubstantiel à la réaction. Et puis l'optimisme béat, ça rend con, un peu comme les gens trop heureux ne font jamais de bons artistes. Tout compte fait, je me demande si, en fait d'optimisme, je ne suis pas tout simplement en train de virer au progressisme moi...