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mercredi 27 octobre 2010

Laurent Mucchielli dans ses oeuvres

Comme pour illustrer ce que je disais récemment à son sujet, Laurent Mucchielli s'est fendu de cette déclaration, en réponse au dernier bilan de l'Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales, qui fait état d'une augmentation de 83,7% du nombre de mineurs de sexe féminin mis en cause dans des affaires d'atteinte aux personnes :
Le comptage policier reflète mal la réalité. [Ces chiffres] ne sont en rien un sondage permanent de l’état de la délinquance en France [...] Car, chez nous, comme dans d’autres pays, la plupart des infractions ne sont pas dénoncées à la police ou la gendarmerie.
Ainsi, de toute évidence, notre ami sociologue, qui se présente et qu'on présente comme un scientifique, n'est pas capable de saisir la différence entre une valeur et l'évolution de cette valeur, concepts dont on pourrait pourtant s'attendre à ce qu'ils soient maîtrisés par n'importe quel scientifique, voire par n'importe quel collégien médiocrement doué. Il est un peu comme quelqu'un à qui l'on dirait que la température a augmenté depuis ce matin, et qui répondrait que c'est faux au motif que le thermomètre utilisé pour mesurer la température sous-estime systématiquement cette dernière parce qu'il est à l'ombre.

Peu importe que les chiffres ne mesurent pas de manière fiable le nombre d'atteintes aux personnes, ce qui par ailleurs est probablement vrai, si l'on veut pouvoir soutenir que le nombre d'actes délinquants commis par des mineurs de sexe féminin n'augmente pas, il faut démontrer que l'instrument qui sert à les comptabiliser n'est pas fiable pour calculer l'évolution de cette délinquance. Or, cela suppose de montrer que la proportion de ces délits qui apparaissent dans les chiffres produits par cet instrument n'est pas constante, mais qu'elle a augmenté plus rapidement que le nombre des délits en question sur cette période. Autrement dit, il faudrait montrer que la proportion des délits avec violence commis par des filles signalés aux autorités, par rapport au nombre total de ces délits, a augmenté plus vite au cours de cette période que le nombre de ces délits qui ont été signalés à la police ou à la gendarmerie. Or, d'une part, c'est impossible du fait que, par la force des choses, on ne connaît pas le nombre total de ces délits, mais seulement celui de ceux qui sont parvenus à la connaissance des autorités. D'autre part, quand bien même il serait théoriquement possible de vérifier si c'est le cas, il est clair que c'est tellement improbable qu'on s'apercevrait évidemment que ce n'est pas le cas. Cela voudrait dire en effet que les victimes d'agressions par des mineurs de sexe féminin étaient au moins 83,7% davantage enclines à porter plainte en 2009 qu'en 2004.

Mais comme apparemment la connerie est contagieuse, le journaliste qui a interrogé Mucchielli - un certain Alain Morvan - conclut son article par cette remarque qu'il croit sans doute particulièrement brillante et pleine d'esprit :
L'idée selon laquelle il s’agit d’un « phénomène nouveau » laisse circonspect. Tous les deux ans, dans ses bilans chiffrés, l’ONDRP remet sur la table l’explosion de la violence chez les filles. Ensuite, en se replaçant dix ans en arrière, on constate que les duos, bandes ou gangs de sexe féminin faisaient... déjà les gros titres de la presse.
Donc, si l'on suit l'étrange logique de notre ami journaliste, qui cependant reproduit un type d'argument hélas assez répandu, si quelqu'un a dit à plusieurs reprises qu'il allait mourir et qu'il est toujours vivant, il faut en conclure qu'il est immortel... Il ne semble pas comprendre que, non seulement ce n'est pas parce que les gens ont pu se tromper par le passé en s'imaginant que la violence augmentait qu'ils ont forcément tort de penser aujourd'hui qu'elle augmente, mais encore qu'il est tout à fait possible que la persistance de ces titres dans les journaux s'explique tout simplement par la persistance du phénomène. De la même façon, cela fait plusieurs siècles que les journaux parlent des progrès accomplis par les sciences, mais à ma connaissance personne n'en tire la conclusion que le progrès scientifique est un mythe, encore qu'à lire Mucchielli on pourrait se demander si ce n'est pas en effet le cas...

lundi 25 octobre 2010

Hommage au Clemenceau du Languedoc

Je viens d'apprendre avec consternation la mort de Georges Frêche. On va bien s'emmerder maintenant qu'il n'est plus là pour animer les campagnes électorales. Certes, c'était à bien des égards un gros con, mais c'était un con qui avait de l'allure, ce qui change tout. En fait, je crois que c'était le dernier homme de gauche, il ne reste plus à présent que des progressistes, dans le genre de ceux qu'on peut trouver ici aux États-Unis, pour qui le combat politique se réduit à la défense des droits des pédés et des clandestins. J'ajouterai que c'était un homme cultivé, ce qui hélas n'est pas courant chez nos politiciens, voire même franchement exceptionnel. Il n'y a qu'à voir comment il a rénové Montpellier, c'est-à-dire sans trahir l'architecture néo-classique du centre historique, pour s'en convaincre. Évidemment, ce n'est pas Martine Aubry qui aurait pu faire construire le quartier Antigone, elle aurait plutôt fait installer quelque saloperie du genre qui plait dans les salons parisiens, comme tous ces petits maires incultes dont l'unique but dans la vie semble être de défigurer nos centre-villes. Bref, en guise d'hommage, je n'ai rien trouvé de mieux que cette vidéo, dans laquelle l'artiste répond aux pleurnicheries d'un élu de l'opposition, lequel est soit dit en passant tout à fait ridicule, en rentrant dans le lard d'un plumitif du Midi Libre qui s'était ému de ce que Frêche critiquait le foulard islamique pendant ses cours à l'université. Comme d'habitude, il dit un gros paquet de conneries, mais il n'empêche que c'est assez jouissif, le journaliste en question, pour ne citer que lui, s'en trouvant assez chaudement habillé pour l'hiver.



P.S. : je viens d'apprendre que cette pauvre Hélène Mandroux, qui décidément n'en finit pas de se ridiculiser, avait prévu de sortir son pamphlet contre Frêche mercredi, c'est-à-dire le jour même de ses obsèques. Il n'y avait vraiment que lui pour trouver le moyen de claquer exactement au moment où doit sortir un livre contre lui, ce qui est assurément le meilleur moyen de faire passer pour une conne cette pauvre femme, qui n'avait cependant pas besoin de cela. J'en profite également pour ajouter cette vidéo, où Frêche donne un cours de politique absolument magistral, que les crétins de la rue de Solférino auront vite fait de rejeter comme du populisme, mais qui explique pourtant pourquoi ils perdent toutes les élections depuis tant d'années et pourquoi ils continueront à les perdre.

dimanche 17 octobre 2010

Le discours de la peur

L'un des arguments favoris des procureurs de la bien-pensance qui sévissent un peu partout de nos jours, lorsqu'un malotru s'avise de faire une remarque qui n'est pas de leur goût, consiste à rétorquer à cet impudent petit rabat-joie qu'il ne fait que véhiculer le discours de la peur. Naturellement, il est évident que c'est surtout un moyen pour ces chasseurs de fascistes et autres résistants en canapé d'éviter de répondre sur le fond, mais il me semble néanmoins qu'on ne remarque pas assez souvent à quel point cet argument, si tant est qu'on puisse qualifier de la sorte cette rengaine, qu'il est d'usage d'asséner sur un ton inquiet, censé trahir sa consternation et son malaise, est profondément et incroyablement con. J'aimerais en effet qu'on m'explique en quoi la peur est forcément un sentiment illégitime et irrationnel ? Si je me tiens sur une route et que je vois une voiture me foncer dessus à toute vitesse, je ressens effectivement de la peur, ce qui m'amène à me jeter sur le bas-coté afin d'éviter de finir comme un vulgaire hérisson écrasé sur le bitume, mais je dois avouer que je ne vois là rien que de très rationnel. Que faudrait-il donc que je fasse au lieu de cela ? Si l'on en croit tous les crétins qui nous assomment avec cet argument à la con, il faudrait que je reste tranquillement sur la route en attendant d'être réduit à l'état de compote, expliquant aux imbéciles qui m'enjoignent de foutre le camp, au mieux qu'ils n'ont rien compris, au pire que ce sont des personnages douteux qui essaient de jeter le trouble dans mon esprit en m'inspirant de la peur.

La civilisation européenne est un hérisson sur lequel fonce un trente-cinq tonnes et qui ne trouve rien de mieux à faire que de rester tranquillement le cul posé sur le bitume en attendant qu'il lui passe dessus. C'est d'ailleurs à se demander si cette pauvre bête n'est pas fatiguée de vivre, au point qu'elle se dit que, finalement, ce trente-cinq tonnes est un moyen comme un autre de mettre un terme à son existence, puisque de toute façon elle n'a même plus la force de croire qu'elle vaut quelque chose, d'ailleurs elle est même convaincue qu'elle n'a jamais valu quoi que ce soit. Après tout, si l'on regarde un peu la vie de ce hérisson, que voit-on sinon une suite sans fin de crimes à l'encontre des fourmis et des autres insectes qu'il a opprimés jusqu'à plus soif ? Il est d'ailleurs étonnant qu'un aussi fieffé salop que cet animal soit convaincu de n'avoir rien à craindre, pas même de la part de ces insectes qu'il martyrisait il y a peu encore, et qui à ce qu'on dit en souffrent encore aujourd'hui. Mais que voulez-vous, on ne peut pas demander à un hérisson de faire preuve de logique, pas plus qu'à un journaliste, du moins pas beaucoup plus.

Bref, laissons là notre hérisson pour revenir à notre sujet, ce qui est particulièrement intéressant avec ceux qui nous gratifient de cet argument, c'est qu'ils passent eux-mêmes leur temps à essayer de nous faire peur, à nous expliquer qu'au rythme où vont les choses, avec l'ambiance nauséabonde qui règne en ce moment, on risque de voir ressurgir les heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire. On pourra d'abord remarquer que, depuis le temps qu'ils nous prédisent le retour de la bête immonde et qu'on l'attend toujours, cette pauvre bête a dû passer l'âge de la ménopause depuis un moment et que son ventre ne doit plus être très fécond. Mais enfin ce qui est surtout étonnant, c'est que visiblement la peur n'est pas mauvaise pour tout le monde. De toute évidence, il y a les bonnes et les mauvaises peurs, celles auxquelles il convient de prêter attention et celles qu'il faut taire à tout prix.

En un sens, ce n'est d'ailleurs pas faux, en cela qu'il y a en effet des peurs parfaitement rationnelles et d'autres tout à fait irrationnelles. Par exemple, quand je crains de voir l'Europe disparaître sous l'effet de l'immigration, c'est une peur tout ce qu'il y a de plus rationnelle, dont je peux démontrer qu'elle est fondée sur une réalité, à savoir les données de la démographie du continent. En revanche, quand un crétin se croit obliger de nous expliquer, à mots plus ou moins couverts comme s'il risquait lui-même d'être déporté si l'on apprenait qu'il avait osé bravé ainsi la loi du silence, qu'il craint de voir la France revenir à Vichy à cause des expulsions de Roms, cette peur, qui parfois (c'est triste mais vrai) n'est même pas feinte, est parfaitement irrationnelle. J'aimerais en effet qu'on explique en quoi le fait d'expulser quelques poignées de Roms avec indemnité à la clé, qui par dessus le marché pourront s'empresser de revenir une semaine plus tard, s'apparente à la déportation des Juifs vers les camps de la mort pendant la Seconde Guerre mondiale.

En vérité, il n'y a rien de plus utile que la faculté de pouvoir ressentir de la peur, à condition que celle-ci ne soit pas paralysante. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la quasi totalité des animaux ont cette faculté. En effet, si l'on examine cette question à l'aune de la théorie de l'évolution (vous savez cette théorie scientifique que les prêtres sodomiseurs d'enfants refusent d'accepter, du moins à ce qu'on dit), on s'aperçoit que c'est probablement parce qu'une espèce animale qui serait incapable de ressentir la peur n'aurait pas le temps de transmettre son patrimoine génétique et disparaîtrait rapidement, ou plus exactement elle n'aurait pas l'occasion d'apparaître. Imaginez quelqu'un, comme notre hérisson, qui ne connaît pas la peur, le genre franchement téméraire quoi, eh bien vous n'aurez aucun mal à vous figurer que cet individu ne fera pas de vieux os. Il en va de même pour les sociétés et les civilisations : une société qui ne craint jamais pour sa survie est appelée à disparaître assez rapidement, un peu comme notre hérisson avec le camion.

mardi 12 octobre 2010

L'État et le monopole de l'exercice de la violence légitime

Vous avez sans doute suivi l'histoire de René Galiner, ce vieil homme qui a tiré sur deux gamines en train de le voler, avant d'être jeté en prison où il est toujours à l'heure qu'il est. Je suis tombé récemment sur le texte des motifs de l'arrêt prononçant la reconduction de sa mise en détention, dont je vous livre un extrait qui m'a semblé particulièrement significatif :
Seule l’importance symbolique attachée à la mesure de détention provisoire est de nature à ramener l’ordre et à rappeler que l’exercice de la violence légale est le monopole de l’État républicain.
 Je n'ai pas l'intention de commenter la décision de la chambre de l'instruction, n'étant pas suffisamment au fait de cette affaire pour émettre une quelconque opinion à ce sujet, encore qu'il me paraisse pour le moins étonnant, quand bien même cette décision serait-elle justifiée, qu'on laisse cet homme en prison quand, dans le même temps, on remet en liberté des criminels avérés. Ce qui m'intéresse, c'est plutôt le motif invoqué pour la justifier, qui me paraît tout à fait représentatif de la démission de l'État. On voit en effet un organe de justice, émanation de l'État, expliquer que le seul moyen d'assurer le monopole de celui-ci sur l'exercice de la violence légitime, c'est qu'il se refuse à l'exercer. Outre le caractère paradoxal de cette explication, pour ne pas dire absurde, les magistrats qui ont pris cette décision ne craignent pas même d'expliquer ouvertement que c'est par crainte de la réaction de l'une des parties qu'ils ont décidé la reconduction de la mise en détention du prévenu.

C'est un aveu terrible et le fait qu'on puisse l'exprimer officiellement sans que cela n'étonne personne dit beaucoup sur l'état de déliquescence intellectuelle et morale dans lequel nous sommes plongés. L'État ne peut d'ailleurs pas se réfugier derrière l'indépendance de la justice, comme l'UMP s'efforce de le faire depuis quelques jours, puisqu'en l'occurrence un membre du parquet siège à la chambre d'instruction et qu'il est difficile d'imaginer que cette décision n'émane pas de lui. Il me semble pourtant qu'il y a un moyen beaucoup plus sûr de rappeler que l'État détient le monopole de l'exercice de la violence légitime, c'est tout simplement qu'il l'exerce et qu'il brise les résistances de ceux qui le lui contestent. Croyez-vous que Richelieu aurait finassé avec des gens qui mettent en cause l'autorité de l'État ? À l'heure qu'il est, s'ils avaient osé se révolter, il y aurait déjà un gitan pendu tous les dix mètres dans la ville qu'ils ont mise à sac, ce qui passerait l'envie à tous les autres de les imiter. La même chose vaut pour les banlieues (car, il ne faut pas l'oublier, ces histoires de Roms sont anecdotiques au regard du véritable problème) : on voudrait nous faire croire que le problème est très difficile à régler et que cela prendra énormément de temps. Mais que l'État cesse de se dérober à ses responsabilités et vous verrez que le problème, prétendument impossible à régler, aura disparu en l'espace de quelques mois. Le véritable problème est que depuis trente ans, les gens à la tête de l'État ne croient plus à la légitimité de l'usage de la violence pour faire respecter son autorité. C'est donc avant tout un problème idéologique, qui tient à ce que la notion d'autorité elle-même n'a plus aucun crédit, du moins dans l'esprit des membres de la classe dirigeante, qui ont érigé la veulerie en politique d'État. Fort heureusement, ce n'est pas le cas dans le peuple, ce qui laisse espérer qu'un jour on revienne à des moeurs politiques plus saines.

vendredi 8 octobre 2010

Histoire de France et diversité

Je viens de regarder cette vidéo où François Reynaert, journaliste au Nouvel Observateur de son état, présente son dernier ouvrage (espérons que ce sera en effet le dernier), Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises, dans lequel il entend démonter les mythes dont notre histoire serait farcie. D'après la présentation de l'éditeur, il semble que le principal souci de cet individu soit que les Français puissent trouver quelque chose à admirer dans leur histoire, ce qu'il tient à démentir en nous montrant que nos grands hommes étaient tous d'abominables personnages, et que, pire encore, ils n'étaient même pas des femmes. Bref, dans le cours de cette présentation, il a cette phrase que je trouve admirable :
Les musulmans, par exemple, il y a eu une présence musulmane au VIIIème siècle en France...
Évidemment, il oublie de préciser que les musulmans en question, loin de nous "enrichir de leurs apports", passaient le plus clair de leur temps à mettre à sac les villes du Midi de la France. Finalement, quand on considère la situation actuelle, on se dit que les choses n'ont pas tellement changé depuis ce temps-là... Quand j'aurai le temps, j'écrirai un billet sur cette propagande à la con, qui veut que notre pays soit le "résultat de vagues d'immigration successives", contre tout évidence. Ainsi, il n'y a pas jusqu'au titre de l'ouvrage de cet abruti qui ne soit une connerie, puisque contrairement à ce qu'on essaie de nous faire croire, tout indique en effet que la plupart des Français ont pour ancêtres les Gaulois.

jeudi 7 octobre 2010

Puisqu'on vous dit que c'est scientifique

Il est entendu désormais que, si l'on veut traiter un sujet de société, que ce soit sur les plateaux de télévision ou dans les studios de radio, il convient d'inviter quelque chercheur en sciences sociales, du genre que personne ne comprend quand il parle, mais qu'on écoutera néanmoins avec admiration délivrer ses oracles au sujet du problème en question. Le rôle de ce personnage est tout à fait capital, puisqu'il consiste à essayer de nous convaincre que, même si ce que l'on voit a deux pattes, des ailes, des plumes, un bec et que cela fait "coin", bref, même si cela ressemble à s'y méprendre à un canard, ce n'est pourtant pas un canard. Comme en général ce qu'il dit est complètement absurde, si tant est que ce soit compréhensible, il doit passer son temps à nous rappeler que c'est un scientifique. Évidemment, s'il passe son temps à faire valoir ses titres de la sorte, ce n'est pas seulement par orgueil, encore qu'il soit généralement assez imbu de sa personne, c'est surtout un moyen de nous faire comprendre que son discours est légitime, qu'il est sanctionné par la science, bref, qu'il a raison, quand bien même cela peut nous sembler étrange, à nous qui ne sommes pas des scientifiques.

Ainsi, le prolétaire devant sa télévision, écoutant ce docte personnage asséner ses conneries sur un air entendu, se dit que finalement il a peut-être raison ce sociologue, qu'après tout lui n'est qu'un pauvre couillon, tandis que ce type, il est intelligent et bardé de diplômes. Il se dit que finalement, ce n'était peut-être pas un canard ce qu'il a vu. Certes, cela avait deux pattes, des ailes, des plumes, un bec et cela faisait "coin", mais enfin ce savant a dit que, même si cela ressemblait à un canard, ce n'était pas un canard, alors c'est probablement qu'en effet ce n'était pas un canard. J'ai toujours été sidéré d'observer ce mécanisme à l'oeuvre, de voir comment des idéologues sans la moindre aptitude scientifique, qui ne savent même pas parler français, peuvent réussir à faire passer leurs conclusions pour le résultat de la science la plus indubitable. Enfin, quand je dis que je suis sidéré, ne vous méprenez pas : on comprend sans peine le bénéfice que trouve le système médiatique à faire s'épancher ces prétendus scientifiques. Il est évident que tout ce qui peut aller dans le sens de la pensée unique, par exemple en lui donnant une caution scientifique, ne peut que ravir les petits soldats de l'ordre médiatico-politique.

Mais que valent donc les titres que ces personnages font valoir à longueur de temps pour donner du crédit à leurs délires ? Je crains que, la plupart du temps, ils ne valent pas grand chose. On pourrait croire que le fait d'être professeur à Sciences Po fait de vous quelqu'un de compétent, mais c'est à condition de n'avoir pas rencontré souvent des gens qui enseignent à Sciences Po. Prenez par exemple Bruno Latour, qui a été fait récemment directeur scientifique de l'IEP de Paris par Richard Descoings, cet Attila de l'université (là où il passe, l'intelligence ne repousse pas). Je vous encourage vivement à lire cet article, dans lequel M. Latour s'efforce de nous expliquer que Ramsès II, dont on a découvert à la suite d'une autopsie pratiquée à Paris en 1976 qu'il était mort de la tuberculose, n'avait pas pu mourir de la tuberculose, au motif que cette maladie n'avait pas été découverte à l'époque où il est mort. La conclusion de ce remarquable scientifique, que soit dit en passant tous les spécialistes de philosophie des sciences dans le reste du monde considèrent comme un escroc, est que d'une certaine façon il est exact d'affirmer que Ramsès II n'a attrapé la tuberculose qu'en 1976, quand son corps a été autopsié. Cet exemple me paraît typique de la façon dont procèdent ces soi-disant scientifiques qui peuplent nos écrans de télévision.

Il s'agit de faire une déclaration grandiloquente et complètement absurde, comme "Ramsès II n'est pas mort de la tuberculose, puisqu'il n'a attrapé cette maladie qu'en 1976", ce qui est un moyen très sûr de s'attirer l'admiration des journalistes et des étudiants, qui sont toujours attirés par ce genre de formules à la con, tout en gardant la possibilité d'en livrer une interprétation plus raisonnable, mais qui fait de cette déclaration un truisme qui ne mérite certes pas qu'on y consacre des livres entiers. Ainsi, quand on fait remarquer à Bruno Latour qu'il est complètement stupide de prétendre que Ramsès II n'a pas pu mourir de la tuberculose parce qu'elle n'existait pas à l'époque, il se rabat sur la seule interprétation de ses propos qui ait un sens, mais qui ne présente pas le moindre intérêt, à savoir que ce qu'il a voulu dire, ce n'était pas que Ramsès II n'était pas mort de la tuberculose, puisque celle-ci n'existait pas avant sa découverte, c'était plutôt qu'il était certes mort de la tuberculose, mais qu'à l'époque on ne savait pas exactement en quoi consistait la maladie qui l'avait emporté. Mais alors pourquoi n'avoir pas dit cela et s'être fendu de cette déclaration tout à fait absurde ? Tout simplement parce que, s'il avait dit cela, tout le monde aurait pu s'apercevoir que ce n'était qu'un connard payé à pondre des truismes, auxquels il donne des allures de grandes découvertes. D'ailleurs, dans cet article, il fait tout pour écarter l'interprétation de bon sens de ces propos, ce qui met en évidence la malhonnêteté dont il fait preuve lorsqu'il répond à ses critiques en mettant cette interprétation en avant.

Je pourrais encore prendre beaucoup d'exemples qui montrent à quel point les soi-disant scientifiques ayant accès aux médias sont généralement des incapables et qu'il n'y a aucune raison de leur accorder le moindre crédit, à tous les sens du terme d'ailleurs. Mais si je commence à parler de Bertrand Badie (le robinet d'eau tiède régulièrement convié à s'exprimer dans le torchon de référence sur la politique internationale, sans doute pour nous donner l'occasion de constater à quel point il ignore tout du fonctionnement des relations internationales et de leur histoire), je crains que ce billet, qui commence déjà à s'allonger dangereusement, devienne vraiment interminable. Je résiste aussi difficilement à l'envie de voler dans les plumes de Laurent Mucchielli, cet idéologue tout ce qu'il y a de plus illuminé qui croit sincèrement être un scientifique, alors même qu'il ignore jusqu'aux lois les plus élémentaires de la logique. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je n'ai rien contre les intellectuels, mais encore faut-il qu'ils en soient, ce qui n'est pas le cas de la plupart des oiseaux qu'on présente comme tels dans les médias, lesquels n'entretiennent généralement avec tout ce qui se rapporte à l'intellect qu'un lien extrêmement distant. Il y a des gens très compétents qui travaillent sur la philosophie des sciences, les relations internationales ou la délinquance, mais ils ne sont généralement pas invités à s'exprimer dans les médias.

On leur préfère de loin des gens qui n'ont aucune formation scientifique véritable, et dont la production est écrite dans un jargon qui n'a aucune justification, sinon que cela leur permet de se donner des airs de scientificité. En effet, la plupart des gens, quand ils sont confrontés à ce jargon, ont tendance à se dire que, puisqu'ils n'y comprennent rien, c'est très certainement que cela doit être intelligent. C'est d'ailleurs très précisément le but de la manoeuvre, bien que tout le monde n'en soit pas conscient. En réalité, quand ce qu'on lit reste incompréhensible, peu importe le temps qu'on y passe, c'est tout simplement qu'il n'y a rien à comprendre. Il est très frappant que les gens qui emploient ce jargon sont absolument incapables d'expliquer ce qu'ils ont voulu dire quand on leur demande d'être clairs. En d'autres termes, une grande partie de ce qui est écrit dans les revues de sciences sociales, du moins en France, n'a tout simplement aucun sens. J'ai assisté un nombre incalculable de fois à des discussions dans lesquelles personne ne savait de quoi il était question, ce qui n'empêchait pas les discussions en question de se dérouler sur le ton le plus sérieux et parfois de s'éterniser pendant des heures.

Évidemment, pour dire des choses intelligentes et sensées sur la science, par exemple, il faut avoir soi-même un minimum d'éducation scientifique, connaître un peu les mathématiques, etc. Mais tout cela prend du temps et demande du travail, sans compter qu'en général ces gens-là n'ont de toutes façons aucune aptitude à cela. Alors ils préfèrent balancer des absurdités comme "les lois de la physique sont des constructions sociales", ce qui ne coûte rien et peut au contraire rapporter gros, puisqu'ils sont sûrs de cette façon qu'ils vont plaire aux hordes de sociologues et d'étudiants en sciences sociales (je parle des médiocres) qui vont pouvoir s'imaginer qu'on peut annexer à la sociologie les sciences de la nature. Bref, pour revenir à ce que je disais au début, j'aimerais bien qu'on m'explique au nom de quoi il faudrait qu'on reconnaisse une quelconque légitimité à ces dégénérés... Pour autant, l'anti-intellectualisme n'est pas une solution, même s'il est hélas assez répandu dans les milieux de droite, ce qu'on peut d'ailleurs comprendre compte tenu de ce que j'ai dit. En effet, je crois qu'il ne faut surtout pas craindre la discussion rationnelle, parce qu'elle nous donnera toujours raison. J'irais même jusqu'à dire que le combat est d'abord intellectuel : l'une des grandes forces de la gauche est de l'avoir compris, il faut désormais que la droite l'imite. L'état de déliquescence intellectuelle et morale dans lequel nous nous trouvons n'est pas le produit du rationalisme, c'est au contraire le résultat de son dévoiement et de sa perversion par des gens qui se présentent comme ses défenseurs, alors qu'ils en sont les fossoyeurs.

lundi 4 octobre 2010

L'art c'est l'art

Je viens de tomber sur un article du Monde au sujet du groupe de rap Sexion d'assaut, dont le nom seul, avec le subtil jeu de mot qu'il contient, montre assez le génie artistique de ses membres. L'article traite de la demande d'un élu de la Ville de Paris, qui voudrait qu'on interdise un concert de ce groupe, au motif que ses membres seraient homophobes. En effet, voici par exemple ce qu'on peut entendre dans l'une de leurs chansons, si tant est que l'on puisse qualifier de la sorte les borborygmes dont ils affligent nos oreilles :
Je crois qu'il est grand temps que les pédés périssent, coupe-leur le pénis, laisse-les morts, retrouvés sur le périphérique.
On admirera la délicatesse du propos, la beauté de la langue et le bon goût dans ce texte, qui, j'en suis sûr, feront un jour l'objet d'une admiration universelle. Outre ce chef-d'oeuvre de l'esprit humain, l'un des abrutis du groupe en question s'était vanté auparavant d'être homophobe. Bref, personnellement, je me contrefous de cette histoire, mais il se trouve que, face à la polémique, ce garçon s'est défendu d'être homophobe. Voici donc ce qu'il a dit :
Je ne connaissais pas le sens du mot homophobe.
 Je ne sais pas vous, mais moi, j'ai beau savoir qu'il nous prend pour des cons, quand il dit cela, je le trouve étonnamment crédible...

Déclaration de guerre

Figurez-vous que j'étais hier tranquillement en train de lire, le cul posé sur mon canapé, quand soudain mon oeil remarqua quelque chose sous mon bureau. Je lève donc les yeux de mon bouquin et m'aperçois qu'une souris est en train de se balader dans mon appartement, comme si de rien n'était. Il est vrai que je soupçonnais la présence chez moi d'une de ces bestioles depuis quelques jours, ayant retrouvé ces derniers temps des fientes disséminées un peu partout dans mon appartement. C'était donc Élizabeth (puisque c'est ainsi que j'ai décidé de l'appeler) qui me faisait savoir qu'elle avait investi la place. Tant que ce n'était que cela, je pouvais encore le tolérer, mais hier elle a franchi une étape dans la provocation, en allant notamment remuer sa queue pleine de merde juste sous mon nez, près de mon ordinateur dont je ne doute pas qu'elle commencera bientôt à bouffer les fils. Comme ces saloperies se reproduisent plus vite qu'un couple d'immigrés subventionnés (il fallait bien que je dise quelque chose dans ce goût-là, au risque de décevoir les éventuels gauchistes passant dans le coin), j'ai intérêt à prendre le problème à bras le corps rapidement si je ne veux pas bientôt avoir à me battre avec des rongeurs pour savoir qui aura la couverture. Je suis donc allé me coucher hier soir avec la tête pleine de pensées souricides et je me suis réveillé ce matin d'humeur à commettre un massacre. S'il y a des "républicains" par ici, rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de créer deux catégories de souris, ni de me livrer à la moindre discrimination. Au contraire, je suis décidé à faire un carnage méthodique et impitoyable, qui ne souffrira aucune exception : depuis le plus innocent souriceau jusqu'au plus vicieux rat d'égout, je vais envoyer tout ce beau monde déféquer au paradis des rongeurs plutôt que sur mon parquet. Si après cela, je dois être jugé pour génocide, pour n'avoir pas su apprécier les bienfaits de la diversité dans mon appartement, qu'on aura pour l'occasion étendue au reste du règne animal, ainsi soit-il. Bref, c'est la guerre, ici comme ailleurs.

dimanche 3 octobre 2010

Épiphanie

Il vient de m'apparaître (d'où mon titre, pour ceux d'entre vous qui ne suivent pas) que, n'ayant mis personne au courant de l'existence de ce blog, j'étais probablement mon unique lecteur. Il y a bien quelqu'un de Singapour qui est passé, mais comme je ne vois pas ce qu'un Chinois viendrait faire ici, je mets cela sur le compte d'une erreur. Ma foi, cela n'est pas très grave, car après tout, je suis d'excellente compagnie. En fait, n'ayons pas peur des mots, de toutes les personnes que je connais, je suis - de très loin - celle qui m'intéresse le plus. Il se pourrait même bien que j'aie inventé le concept du blog à usage personnel, ce qui, vous en conviendrez, me rendrait encore plus intéressant que je ne l'étais déjà.