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mercredi 27 octobre 2010

Laurent Mucchielli dans ses oeuvres

Comme pour illustrer ce que je disais récemment à son sujet, Laurent Mucchielli s'est fendu de cette déclaration, en réponse au dernier bilan de l'Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales, qui fait état d'une augmentation de 83,7% du nombre de mineurs de sexe féminin mis en cause dans des affaires d'atteinte aux personnes :
Le comptage policier reflète mal la réalité. [Ces chiffres] ne sont en rien un sondage permanent de l’état de la délinquance en France [...] Car, chez nous, comme dans d’autres pays, la plupart des infractions ne sont pas dénoncées à la police ou la gendarmerie.
Ainsi, de toute évidence, notre ami sociologue, qui se présente et qu'on présente comme un scientifique, n'est pas capable de saisir la différence entre une valeur et l'évolution de cette valeur, concepts dont on pourrait pourtant s'attendre à ce qu'ils soient maîtrisés par n'importe quel scientifique, voire par n'importe quel collégien médiocrement doué. Il est un peu comme quelqu'un à qui l'on dirait que la température a augmenté depuis ce matin, et qui répondrait que c'est faux au motif que le thermomètre utilisé pour mesurer la température sous-estime systématiquement cette dernière parce qu'il est à l'ombre.

Peu importe que les chiffres ne mesurent pas de manière fiable le nombre d'atteintes aux personnes, ce qui par ailleurs est probablement vrai, si l'on veut pouvoir soutenir que le nombre d'actes délinquants commis par des mineurs de sexe féminin n'augmente pas, il faut démontrer que l'instrument qui sert à les comptabiliser n'est pas fiable pour calculer l'évolution de cette délinquance. Or, cela suppose de montrer que la proportion de ces délits qui apparaissent dans les chiffres produits par cet instrument n'est pas constante, mais qu'elle a augmenté plus rapidement que le nombre des délits en question sur cette période. Autrement dit, il faudrait montrer que la proportion des délits avec violence commis par des filles signalés aux autorités, par rapport au nombre total de ces délits, a augmenté plus vite au cours de cette période que le nombre de ces délits qui ont été signalés à la police ou à la gendarmerie. Or, d'une part, c'est impossible du fait que, par la force des choses, on ne connaît pas le nombre total de ces délits, mais seulement celui de ceux qui sont parvenus à la connaissance des autorités. D'autre part, quand bien même il serait théoriquement possible de vérifier si c'est le cas, il est clair que c'est tellement improbable qu'on s'apercevrait évidemment que ce n'est pas le cas. Cela voudrait dire en effet que les victimes d'agressions par des mineurs de sexe féminin étaient au moins 83,7% davantage enclines à porter plainte en 2009 qu'en 2004.

Mais comme apparemment la connerie est contagieuse, le journaliste qui a interrogé Mucchielli - un certain Alain Morvan - conclut son article par cette remarque qu'il croit sans doute particulièrement brillante et pleine d'esprit :
L'idée selon laquelle il s’agit d’un « phénomène nouveau » laisse circonspect. Tous les deux ans, dans ses bilans chiffrés, l’ONDRP remet sur la table l’explosion de la violence chez les filles. Ensuite, en se replaçant dix ans en arrière, on constate que les duos, bandes ou gangs de sexe féminin faisaient... déjà les gros titres de la presse.
Donc, si l'on suit l'étrange logique de notre ami journaliste, qui cependant reproduit un type d'argument hélas assez répandu, si quelqu'un a dit à plusieurs reprises qu'il allait mourir et qu'il est toujours vivant, il faut en conclure qu'il est immortel... Il ne semble pas comprendre que, non seulement ce n'est pas parce que les gens ont pu se tromper par le passé en s'imaginant que la violence augmentait qu'ils ont forcément tort de penser aujourd'hui qu'elle augmente, mais encore qu'il est tout à fait possible que la persistance de ces titres dans les journaux s'explique tout simplement par la persistance du phénomène. De la même façon, cela fait plusieurs siècles que les journaux parlent des progrès accomplis par les sciences, mais à ma connaissance personne n'en tire la conclusion que le progrès scientifique est un mythe, encore qu'à lire Mucchielli on pourrait se demander si ce n'est pas en effet le cas...

5 commentaires:

  1. Autre exemple (poussé à l'absurde) : imaginons un socilogue de 1939, au moment de l'invasion de la Pologne, nous expliquer qu'il faut rester circonspect, dans la mesure où, déjà en 1936, on avait parlé de l'invasion de l'Autriche...

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  2. On pourrait multiplier les exemples à l'infini, je ne suis pas sûr que le vôtre soit beaucoup plus absurde que ce qu'on entend et lit régulièrement... C'est un véritable scandale que cet individu - comme beaucoup d'autres malheureusement - ait un poste au CNRS et qu'il soit invité à donner son avis en qualité de scientifique dans les médias. Tous ces gens devraient être licenciés sur le champ pour incompétence.

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  3. Et comme le financement du CNRS est privé, on voit d'où viennent les fonds. Les "scientifiques" ou pseudo-scientifiques au service de qui les paie, les medias et les agences de statistiques, pour ce cas. C'est cela aussi la mort de la recherche indépendante.

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  4. A mon sens le véritable scandale c'est qu'on ait pu fonctionnariser la recherche. Lorsque l'on considère le conformisme idéologique des sociologues et des soi-disant criminologues français en regard de ce qui se passe au Québec par exemple, on ne peut qu'être atterré par sa sur la réalité et la recherche de la vérité.

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  5. Le CNRS, est le plus grand organisme public français de recherche scientifique. Juridiquement, c'est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), il est placé sous la tutelle administrative du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

    Il est donc financé par des fonds publics et non privés.

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