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mercredi 1 juin 2011

Répression ou prévention ? Analyse d'un faux dilemme

On nous explique à longueur de temps que la répression n'est pas la solution pour réduire l'insécurité, mais qu'il faut privilégier la prévention si l'on veut obtenir des résultats. Cela revient à supposer qu'il existe une opposition entre répression et prévention, ce qui n'est pas nécessairement le cas, dans la mesure où il est possible que la répression agisse comme un forme de prévention. En effet, il semble naturel de penser que la répression a un effet dissuasif sur les criminels et délinquants potentiels, de sorte qu'en rendant les punitions encourues par les criminels et délinquants plus sévères, on réduit le nombre de crimes et délits. Cette prédiction repose sur la théorie du choix rationnel : si un criminel ou délinquant potentiel se livre à calcul rationnel coût/avantage avant de commettre un crime ou un délit, on peut réduire le nombre de crimes et délits en augmentant le coût de tels actes.

Il existe en théorie deux moyens d'augmenter le coût des crimes et délits : on peut augmenter la sévérité des peines encourues ou l'on peut accroître la certitude qu'un tel acte sera en effet puni. Il est évidemment plus facile d'augmenter la sévérité des peines (il suffit pour cela de changer la loi), mais cela ne sert à rien si la probabilité qu'elles soient appliquées diminue dans la même proportion, du moins si l'on fait l'hypothèse que les criminels et délinquants accordent la même importance à la sévérité de la peine qu'à la probabilité de son application (ce qui n'est vraisemblablement pas le cas). Supposons par exemple qu'un certain type de crime est puni d'une peine de six ans de prison et qu'un crime de ce type sur deux soit en effet puni. Si l'on porte la peine encourue pour ce type de crime à douze ans, mais que dans le même temps la probabilité que les individus coupables d'un crime de ce type se voient appliquer cette peine passe à un sur quatre au lieu d'un sur deux comme auparavant, l'espérance mathématique de la durée de la peine encourue pour un crime de ce type reste la même, à savoir trois ans (1/2 x 6 = 1/4 x 12 = 3) dans les deux cas.

L'idée n'est évidemment pas que les criminels et délinquants se livrent à un calcul mathématique avant de commettre un acte illégal, mais qu'il se livre à un calcul plus ou moins intuitif dont les résultats sont approximativement les mêmes que le calcul mathématique correspondant. La question n'est donc pas de savoir si les criminels et délinquants sortent leur calculette avant de commettre un crime ou un délit - tout le monde sait bien que ce n'est pas le cas - mais si leur comportement est à peu près conforme à ce que prédit le modèle du choix rationnel. C'est une question à laquelle on peut répondre par des études empiriques dont le but est de déterminer si l'on peut mettre en relation le niveau de criminalité et de délinquance avec la sévérité des peines et la probabilité de leur application. La mise à l'épreuve de cette hypothèse nécessite des outils statistiques relativement complexes, visant notamment à isoler l'importance des autres facteurs agissant sur la criminalité et la délinquance, mais ces outils sont disponibles et il est donc tout à fait possible de tester la théorie du choix rationnel.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un grand nombre d'études ont été effectuées dans le but de tester cette théorie, qui nous donné une idée assez précise de la relation entre la sévérité et la certitude de la punition d'un coté et le nombre de crimes et délits de l'autre. Le résultat de ces travaux est que la punition a indiscutablement un effet dissuasif significatif sur les criminels et les délinquants. Les premiers travaux de ce genre portaient spécifiquement sur le caractère dissuasif de la peine de mort aux États-Unis et avaient conclu à l'absence d'effet dissuasif de la peine de mort, mais ils ont rapidement été remis en cause en raison du caractère extrêmement primitif des outils statistiques utilisés, qui faussait les résultats. Un coup d'œil aux arguments employés par les soi-disant scientifiques - comme Laurent Mucchielli dont j'ai déjà prouvé l'incompétence - qui prétendent que la répression n'est pas la solution à l'insécurité suffit à se convaincre qu'ils souffrent des mêmes défauts, à savoir un manque de sophistication méthodologique criant : absence d'analyse statistique digne de ce nom, données insuffisantes, manquements à la logique la plus élémentaire, etc. Mais j'y reviendrai rapidement plus tard, pour l'instant voyons ce qui a été scientifiquement démontré.

Les travaux sur l'effet dissuasif de la peine de mort menés aux États-Unis dans années 1950 et ceux menés par les sociologues français aujourd'hui ne sont donc pas fiables, mais on dispose d'un grand nombre d'études autrement plus sérieuses ayant été effectuées aux États-Unis et ailleurs depuis les années 1960 qui démontrent toutes que la punition a un effet dissuasif significatif et que la politique de répression est donc efficace, toutes choses étant égales par ailleurs. Pour dire les choses clairement, si vous augmentez la sévérité des peines ainsi que la probabilité qu'elles soient appliquées, la délinquance et la criminalité baisseront, à condition que les autres facteurs ayant une influence sur le nombre de crimes et délits ne bougent pas dans le même temps. Dans un article célèbre, Gordon Tullock a livré une excellente synthèse de la littérature scientifique sur le sujet, récapitulant l'évolution des économistes et des sociologues depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux années 1970.1 Il explique que les premières études sérieuses sur le sujet ont été effectuées par des économistes et qu'elles ont par la suite été confirmées par des sociologues.

Il est particulièrement intéressant de noter que les sociologues en question ont été conduit à confirmer l'existence d'un effet dissuasif de la punition, dans la mesure où ils avaient au départ entrepris d'étudier la question dans le but de prouver qu'il n'existait aucun effet de cette sorte. Ayant mené leurs études sérieusement, ils ont été forcés de constater qu'un tel effet existait bel et bien, ce qui prouve deux choses à leur sujet, si on les compare à leurs homologues français d'aujourd'hui : d'une part, qu'ils sont honnêtes et, d'autre part, qu'ils sont compétents, contrairement à des gens comme Laurent Mucchielli qui ne sont ni l'un ni l'autre. Les résultats obtenus dans les années 1960 et 1970 ont été depuis systématiquement confirmés, comme l'explique Morgan Reynolds dans une synthèse plus récente.2 Par conséquent, quand Laurent Mucchielli affirme que "de manière générale, l'idée que l'intensification de l'action de la police serait le principal facteur (direct par dissuasion ou indirect par effet des arrestations) de réduction du volume global de la délinquance est une idée fausse", ce qu'il dit est démenti par toutes les études scientifiques sérieuses sur la question.3

Il faut également noter que l'effet dissuasif qu'elle a sur les criminels et les délinquants n'est pas la seule façon dont la punition contribue à faire baisser la délinquance et la criminalité : en effet, pendant qu'un criminel ou un délinquant est en prison, il ne peut plus faire de tort au reste de la population, ce qui conduit également à une réduction du nombre de crimes et délits. Un autre fait intéressant et que, comme l'explique Morgan Reynolds, non seulement il est démontré que la punition a un effet dissuasif sur les criminels et les délinquants, mais il est aussi établi que, jusqu'à présent, aucune des alternatives à la punition (c'est-à-dire les mesures que l'on qualifie de réhabilitation) n'a démontré la moindre efficacité, à l'exception de quelques cas particuliers. Pire, il a été démontré que, dans certains cas, non seulement les mesures de réhabilitation ne faisaient pas diminuer la criminalité, mais qu'au contraire elles contribuaient à l'accroître ! Aussi, quand Laurent Mucchielli prétend que "il faudrait se préoccuper de l'efficacité réelle des sanctions pénales et des alternatives à la prison", il ne croit pas si bien dire, mais il est malheureux qu'il ne soit manifestement pas au courant qu'on ne l'a pas attendu pour se pencher sur ces questions...4

Mais alors pourquoi continue-t-on à dire que la répression est inefficace ? Tout simplement parce que ceux qui disent cela ne tiennent aucun compte des faits et qu'ils sont manifestement incompétents. J'ai dit plus haut que les études affirmant le contraire souffraient d'un grand nombre de défauts qui rendaient leurs conclusions invalides. Il me semble qu'il n'est pas inutile de réfuter certains des arguments utilisés pour nier l'efficacité de la répression dans la lutte contre la délinquance et la criminalité. Cela permettra également d'illustrer l'incompétence des sociologues qui sont régulièrement invités à s'exprimer dans les médias sur les questions d'insécurité. Les arguments que je vais démonter sont régulièrement utilisés dans les médias et, pour la plupart, se retrouvent également dans l'article du numéro hors-série d'Alternatives économiques que j'ai cité plus haut.

Ainsi, par exemple, il est courant de s'entendre dire que, de toute évidence, la punition n'a pas d'effet dissuasif, car on constate que l'emprisonnement, non seulement ne contribue pas à réduire le taux de récidive, mais en réalité tend même à l'accroître. C'est ce que traduit l'adage selon lequel la prison est l'école du crime. En d'autres termes, la punition n'a pas d'effet dissuasif spécifique, c'est-à-dire sur les individus qui la subissent. D'abord, pour ce qui est du constat, ou de ce qui est présenté comme tel, il est faux. En effet, comme c'est expliqué dans un article récent, qui démontre plus généralement que, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, l'effet dissuasif de la punition est plus important sur les criminels et délinquants potentiels que sur les individus peu susceptibles de commettre un crime ou un délit, la prison a bel et bien un effet dissuasif sur ceux qui y ont séjourné.5 Je soupçonne que la raison pour laquelle on dit que la prison n'a pas d'effet dissuasif spécifique est qu'on constate un taux de récidive important à la sortie de prison. Pour démontrer que la punition n'a pas d'effet dissuasif spécifique, il faudrait prouver que, toutes choses étant égales par ailleurs, un individu ayant fait de la prison en punition d'un crime ou d'un délit qu'il a commis avait plus de chance de commettre à nouveau des crimes et délits que s'il n'avait pas été incarcéré. Or, comme nous l'avons vu, il est établi que ce n'est pas le cas.

Mais admettons que cela ne soit pas vrai, même dans ce cas, il ne s'ensuit pas que la punition n'a pas d'effet dissuasif général, à moins de confondre l'effet dissuasif général et spécifique. L'effet dissuasif spécifique est l'effet dissuasif de la punition sur ceux qui la subissent, tandis que l'effet dissuasif général est l'effet dissuasif de la punition sur l'ensemble des criminels et délinquants potentiels, qu'ils la subissent eux-mêmes ou pas. Même si l'emprisonnement n'avait pas d'effet dissuasif spécifique, il pourrait néanmoins fort bien avoir un effet dissuasif général. En effet, il se pourrait que bien qu'elle ne dissuade pas ceux qui la subissent de récidiver à leur sortie de prison, la punition dissuade fortement les individus qui auraient pu être tentés de commettre un crime ou un délit de passer à l'acte. Sous certaines conditions qui paraissent vraisemblables, l'emprisonnement aurait alors un effet dissuasif général en dépit du fait qu'il n'aurait pas d'effet dissuasif spécifique. Nous sommes donc en présence d'un argument qui non seulement ne repose sur aucun fait, mais qui est de surcroît tout ce qu'il y a de plus fallacieux.

Les autres arguments visant à nier l'efficacité d'une politique répressive en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité prétendent démontrer l'inefficacité de cette politique à partir du cas français au cours des dernières années. On peut notamment trouver un exemple de cette approche dans l'article d'Alternatives économiques cité plus haut. Cet article s'appuie sur les travaux de sociologues proches de Laurent Mucchielli, dont ce dernier lui-même qui y est cité à plusieurs reprises. L'idée générale est que, depuis 2002, le gouvernement a mené une politique de répression féroce dans le cadre de la lutte contre la délinquance et la criminalité, mais que celle-ci n'a pas donné de résultats probants, ce qui invaliderait l'hypothèse que la répression est efficace dans ce domaine. Le problème de cette analyse, c'est qu'elle repose sur la prémisse que, entre 2002 et 2008, le gouvernement a en effet mené une politique plus répressive qu'auparavant, alors que les données empiriques qui sont avancées pour justifier cette prémisse ne permettent absolument pas de l'affirmer. Ce genre d'arguments démontre abondamment l'inaptitude scientifique totale de ces gens, qui n'ont de toute évidence pas les compétences nécessaires pour mener des études quantitatives sérieuses.

Par exemple, l'un des indicateurs qui selon eux montrent que la répression est devenue plus forte est l'évolution de la législation en matière de criminalité et de délinquance, domaine dans lequel des peines plus longues qu'auparavant ont été proposées. Or, il est bien évident que cet indicateur ne permet aucunement d'inférer que la répression est devenue plus importante depuis 2002, même toutes choses égales par ailleurs. En effet, l'augmentation de la durée des peines prévues par la loi n'a aucune importance si par ailleurs le taux d'élucidation des affaires a diminué pour les crimes et délits susceptibles d'entraîner des peines de prison, si les personnes arrêtées ont été moins souvent condamnées, si la durée des peines prononcées par la justice a diminué en dépit de cette évolution législative ou si le taux d'application des peines a également diminué pendant cette période. Le seul indicateur qu'il faudrait prendre en compte pour déterminer si la répression a en effet été plus importante sur cette période, c'est l'évolution du rapport entre l'espérance mathématique de la durée de la peine de prison encourue pour un type de crime ou délit et le nombre des crimes et délits de ce type.

D'autre part, Laurent Mucchielli et ses amis s'appuient sur l'augmentation de la population carcérale pour conclure au renforcement de la répression sur cette période, mais là encore il est évident qu'un tel raisonnement est complètement fallacieux. En effet, le fait qu'il y ait plus de détenus dans les prisons ne démontre pas que la répression est plus forte qu'auparavant, car il est tout à fait possible que ce soit tout simplement la criminalité et la délinquance qui aient augmenté, ce qui aurait pour effet un accroissement de la population carcérale sans pour autant qu'il y ait eu un renforcement de la répression à l'égard des criminels et des délinquants. Or, le fait que la délinquance générale ait diminué pendant que le nombre de détenus augmentait ne suffit pas à infirmer cette hypothèse, contrairement à ce qui ne manqueraient pas d'affirmer Mucchielli et ses petits copains. En effet, comme Mucchielli lui-même ne cesse de le répéter, la baisse de la délinquance concerne principalement des délits mineurs : infractions au code de la route et autres menus larcins peu susceptibles d'entraîner effectivement une peine de prison.

Au contraire, les délits les plus susceptibles d'entraîner effectivement une peine de prison, tels que les atteintes aux personnes, n'ont cessé d'augmenter, ce qui tend à indiquer que ce n'est pas la répression qui s'est accrue, mais plutôt le nombre de crimes et délits les plus susceptibles d'entraîner effectivement des peines de prison qui a augmenté, ce qui a mécaniquement entraîné une augmentation de la population carcérale sans pour autant que la répression ait été aucunement plus féroce. Là encore, avant de pouvoir tirer la moindre conclusion, il faut donc rapporter la population carcérale au nombre de crimes et délits susceptibles d'entraîner une peine de prison effectivement commis (qu'il peut être difficile à évaluer, mais c'est une autre question), puis examiner l'évolution de ce rapport depuis 2002. Qui plus est, même si l'on trouvait que la répression a en effet été accrue pendant cette période, encore faudrait-il s'assurer que les autres facteurs de la criminalité et de la délinquance sont restés constants pour en tirer la conclusion que la répression n'est pas efficace. Il ne fait guère de doute que, si l'on faisait ce travail sérieusement, on parviendrait à la conclusion que la répression ne s'est pas accrue de manière significative depuis 2002, puisque comme je l'ai expliqué plus haut, il est établi au-delà de tout doute raisonnable que la répression est un instrument très efficace dans la lutte contre l'insécurité.

Cela ne surprendra personne qui s'intéresse un tant soit peu au comportement du gouvernement pendant cette période, au-delà des déclarations bravaches et autres promesses électorales. On sait bien en effet que les autorités politiques vivent dans la crainte perpétuelle d'une "bavure" (qui est devenu le nom que l'on donne à l'action de la police quand elle fait son travail), ce qui les conduit à donner des consignes très strictes sacrifiant l'ordre et la sécurité à long-terme à la paix sociale à court-terme. Il suffit de se rappeler que Michèle Alliot-Marie, alors Ministre de l'Intérieur, expliquait en 2008 au micro de RMC le plus sérieusement du monde que ce n'était pas le travail des policiers de courir après les voleurs... La vérité c'est qu'on ne donne pas les moyens aux forces de l'ordre de faire respecter l'ordre justement. Quand je parle de moyens, je ne parle pas de moyens matériels, car la France compte bien plus de flics par habitant qu'il est nécessaire. Je parle de la liberté d'action qui leur est accordée : il ne sert à rien en effet d'augmenter le nombre de flics si on leur interdit d'agir de façon énergique. Or, comme je l'ai expliqué à l'instant, c'est précisément ce qui arrive. Cent flics qui ont l'ordre de rester l'arme au pied ne sont guère plus efficaces que deux-cent flics qui ont l'ordre de rester l'arme au pied...

L'une des conclusions des études dont j'ai parlé dans ce billet, c'est aussi que la punition est d'autant plus efficace qu'elle est administrée à un jeune âge. À l'heure où l'on tente de criminaliser la fessée, on ne dira jamais assez tout le bien qu'une paire de baffes peut faire, en particulier de la part des policiers quand ils sont insultés. En effet, le fait qu'il n'y ait aucune réponse aux insultes dont sont victimes les policiers est le premier enseignement de l'impunité et du mépris de l'autorité, lesquels conduisent plus tard à la délinquance. C'est rendre un grand service à ces merdeux que de leur coller une paire de baffes quand ils s'avisent d'insulter un représentant de l'État. Je me souviens avoir entendu dans un documentaire un ancien flic qui expliquait comment ce qu'il appelait le "traitement manuel" des incivilités (comprendre la torgnole) était devenu inacceptable de nos jours. À la place, les agents de police sont priés de dresser un procès verbal pour outrage à agent, qui donne lieu à une amende qui n'est de toute façon jamais payée. Il serait peut-être temps de remettre au goût du jour le "traitement manuel" des problèmes, pas uniquement celui des insultes aux agents des forces de l'ordre d'ailleurs...

Comme je l'ai expliqué dans un billet précédent, l'un des problèmes fondamentaux que nous rencontrons aujourd'hui dans la lutte contre l'insécurité, c'est que les gens censés nous diriger ne croient plus à la légitimité de l'exercice de la violence par l'État. De la même façon, ils ne croient plus à la légitimité de la punition des coupables, qu'au fond ils jugent odieuse et barbare et à laquelle ils préfèrent les mesures de réhabilitation, en dépit de leur inefficacité patente. J'ai expliqué dans ce billet que la punition était indiscutablement efficace pour lutter contre la criminalité et la délinquance, mais je voudrais insister sur le fait que, comme l'a fait remarquer Gordon Tullock dans l'article cité plus haut, cela ne suffit pas à justifier la punition des criminels et des délinquants. On peut en effet avoir d'autres raisons de ne pas vouloir recourir à la répression pour s'attaquer au problème de l'insécurité. Il est évident que la punition n'est pas un moyen d'action plaisant et que tout le monde lui préférerait la réhabilitation si celle-ci était efficace. D'ailleurs, même si l'on sait que la réhabilitation est inefficace, on peut tout à fait continuer de refuser de punir, par exemple si l'on juge que c'est une méthode barbare.

C'est sans doute parce qu'ils sont de cet avis que la plupart des escrocs qui officient à la télévision, la radio et dans les journaux ont fini par se convaincre que la répression était inefficace, en dépit de ce que les faits démontrent abondamment. Il est en effet toujours difficile d'accepter qu'une chose que l'on trouve mauvaise sous un certain rapport puisse être bonne sous un autre rapport. Mais ce qu'on ne peut pas faire, c'est prétendre que la punition est inefficace, car elle ne l'est pas. D'autant plus que le peuple, dans sa grande majorité (Morgan Reynolds cite à ce sujet quelques études d'opinion dans son article), contrairement à ce qui nous sert d'élites, n'a aucune opposition de principe à la punition. Par conséquent, si les gens savaient que c'est un moyen d'action efficace, alors que ce n'est pas le cas de la réhabilitation, et si par ailleurs nous vivions en démocratie, il ne fait aucun doute que la répression serait plus forte qu'elle ne l'est et que l'insécurité diminuerait de manière significative. Encore faudrait-il qu'ils soient correctement informés et que les autorités politiques soient forcées de prendre en compte leurs desiderata...

P.S. : Par un heureux hasard, l'Est Républicain publie un entretien avec un certain Maurad Ghazli, que je ne connais mais qui est présenté comme un "ex-UMP déçu", dont je vous livre un extrait qui montre que certains n'ont pas besoin de mes démonstrations. Voici donc le passage en question, qui se trouve en parfait accord avec ce que je disais plus haut :

Il ne se passe pas une semaine sans un règlement de compte à la Kalachnikov. Que pensez-vous des réponses policières ?
Les policiers n’en peuvent plus et la stratégie de leur hiérarchie est complètement inadaptée, notamment avec l’envoi de CRS ou les opérations dans les cages d’escalier du nouveau préfet de Seine-Saint-Denis, le tout soigneusement médiatisé. Les CRS doivent intervenir sur des problèmes ponctuels. Pour le quotidien, il faut du gardien de la paix, qui comme son nom l’indique, rétablisse la paix. Mais pas des fliquettes qui se font impunément traiter de « fille de pute » par des Barracudas. Il faut des flics retaillés.
De quasi-commandos…
Absolument. Affûtés ! Avec un très haut niveau physique, pas de braves fonctionnaires qui courent le 100 mètres en 45 secondes. Ils doivent maîtriser les sports de combat.
Pour passer le Kärcher ?
Cette histoire est l’une des plus belles mystifications de ces dernières années. Les jeunes savent qu’ils ne risquent rien. Encore moins qu’avant. S’ils se font prendre, ils passent au poste pour un rapport bidon juste bon pour les statistiques et un an après au tribunal face à une juge qui dit : c’est pas bien… Non, les flics doivent avoir de vrais moyens.
Quoi par exemple ?
Pas des hélicoptères, mais le droit de faire respecter les règles. A Moscou, personne n’ose toucher un policier, car la population les respecte. Il faut que les patrouilles soient filmées pour éviter les bavures, mais il faut aussi les autoriser à mettre des tartes pour se faire respecter. Mais pour cela, il faut du courage politique et le pouvoir se moque désormais des banlieues car l’urgence sociale s’est étendue depuis à toute la France.
P.S. bis : comme décidément le hasard fait bien les choses, on apprend que Sarkozy s'est vu remettre un rapport expliquant que le taux d'application des peines avait baissé pendant son mandat, confirmant ainsi la prédiction que je faisais plus haut sur la base de la relation bien établie entre une politique de répression et le taux de criminalité. Il faut noter au sujet de ce rapport que, si l'on en croit l'article du Figaro, l'augmentation du nombre de places de prison ne fait pas partie des mesures qu'il préconise, alors qu'il s'agit évidemment de la première chose à faire. L'article contient d'ailleurs un graphique qui montre que la France est l'un des pays d'Europe ayant le moins de places de prison, ce qui tend aussi à montrer l'absence d'une véritable politique répressive.

1. Gordon Tullock, "Does Punishment Deter Crime?", The Public Interest, No. 36, Summer 1974, pp. 103-11.
2. Morgan Reynolds, "Does Punishment Deter?", Policy Backgrounder, No. 148, August 17, 1998.
3.Cité par Louis Maurin, "Une répression renforcée fait-elle reculer l'insécurité ?", Alternatives Economiques Hors-série, n° 80, février 2009.
4.Ibid.
5. Bradley R. E. Wright, Avshalom Caspi, Terrie E. Moffitt, Ray Paternoster, "Does the Perceived Risk of Punishment Deter Crimally Prone Individuals? Rational Choice, Self-Control, and Crime", Journal of Research in Crime and Delinquancy, Vol. 41, No. 2, May 2004, pp. 180-213.

mercredi 25 mai 2011

Hessel publié en Chine : les jours de la dictature communiste sont comptés

J'écris un billet rapidement pour vous apprendre que "Indignez-vous !", le petit livre de Stéphane Hessel, va prochainement être publié en Chine, ce qui en dit long sur le degré de subversion de l'ouvrage en question... J'en profite également pour vous signaler que Yassine Belattar, dont je parlais dans mon dernier billet, va finalement être viré du Mouv'. Il semble donc qu'il y a des gens à la direction de Radio France qui ont écouté l'émission au cours de laquelle il était censé inviter Robert Ménard. Je ne doute pas, hélas, que ce dégénéré et son équipe de d'imbéciles heureux retrouveront bientôt l'antenne quelque part, au nom de la nécessaire représentation de la diversité sur nos ondes radio-télévisuelles.

P.S. : j'avais l'intention d'écrire un billet sur la confusion totale qui règne ces jours-ci autour du concept de présomption d'innocence, mais je viens de lire un billet d'Aristide sur son blog, qui dit très exactement et sans doute mieux que je ne l'aurais fait ce que je voulais dire. Qu'on puisse à ce point travestir cette notion est proprement stupéfiant et il était bien nécessaire de mettre les choses au point. D'ailleurs, puisque j'en suis à parler du blog d'Aristide, permettez-moi d'ajouter que je le trouve absolument excellent et que j'en recommande chaudement la lecture régulière.

jeudi 28 avril 2011

L'insignifiant Yassine Belattar et l'argument d'autorité (judiciaire)

Vous avez peut-être écouté l'émission de Yassine Belattar, dans laquelle celui-ci était supposé recevoir Robert Ménard, lequel a préféré se barrer après quelques minutes. Je dois vous dire que, pour ma part, cette émission a été à la fois un choc et une épreuve. C'est bien simple, je crois que je n'ai jamais vu un tel concentré d'imbécilité, de manque de savoir-vivre et d'incompétence distillé en si peu de temps. On a beau croire que l'on est habitué à tout cela et que plus rien ne peut nous surprendre, il faut reconnaître que Belattar et sa bande ont repoussé les limites de la nullité au-delà de ce qui était imaginable. Je croyais pourtant que j'avais une idée assez précise de l'état de décadence que vous avions atteint, mais j'ai compris en écoutant cette émission que j'étais loin du compte. Qu'une telle chose soit possible sur une radio française, qu'on donne ainsi quotidiennement la parole à trois gamins dégénérés, n'ayant pas le commencement d'un début de talent, qui sont de toute évidence - et je dis cela tout à fait sérieusement - déficients mentaux, voilà qui en dit plus long sur l'état de notre pays que tous les discours que l'on pourrait faire à ce sujet. Cette émission était complétement surréaliste et les propos qui y ont été tenus proprement sidérants.

Je n'ai vraiment aucunement l'intention de m'attarder sur le cas de ces trois imbéciles heureux, ni d'ailleurs sur celui de Pascale Clark, à laquelle ils doivent apparemment leur carrière et qu'ils avaient manifestement l'intention de venger après qu'elle s'est vue remettre à sa place par Robert Ménard un peu auparavant. Ce qui m'intéresse, c'est plutôt l'argument qu'ils ont utilisé pour justifier les restrictions à la liberté d'expression en France, parce qu'il s'agit de quelque chose qu'on entend souvent. Ainsi, il serait bien et bon de punir les gens qui tiennent certains propos jugés offensants, au motif que de tels propos sont interdits par la loi. Il est tout à fait clair que cet argument repose sur le principe suivant : s'il y a une loi qui empêche de faire ceci ou qui exige que l'on fasse cela, alors il est bon et bien que l'on ne fasse pas ceci ou que l'on fasse cela. Qu'un tel argument soit devenu si courant et qu'il soit aussi largement employé sans que personne ou presque ne s'en étonne, voilà sans doute autre chose qui étonnera pendant longtemps les générations à venir, mais c'est pourtant un fait que cet argument est devenu un lieu commun du débat sur la liberté d'expression en France.

Les gens qui l'emploient ont beau avoir leur brevet d'anti-nazisme, comme il se plaisent à nous le rappeler à longueur de journée, ils semblent néanmoins incapables de comprendre que d'après ce genre d'arguments, il était bon et bien de persécuter les Juifs, pour ne citer que ceux-là, sous le Troisième Reich. Il y avait en effet dans l'Allemagne nazie des lois anti-juives à partir de 1935, ce qui sur la base du principe énoncé plus haut signifie que, pour Belattar et tous les abrutis dans son genre qui reconnaissent ce principe, il était parfaitement légitime et normal de se livrer à la chasse aux Juifs à l'époque. Bref, il n'est pas nécessaire d'être un grand philosophe pour comprendre l'absurdité de cet argument, qui continue pourtant d'échapper à l'ensemble de la classe médiatico-politique. On notera toutefois que, étrangement, lorsqu'il s'agit de soutenir les faucheurs d'OGM, dont les exploits sont pourtant tout ce qu'il y a de plus illégaux, les mêmes qui utilisent cet argument oublient soudainement le respect qu'ils affectaient d'éprouver pour la loi quelques instants auparavant, quand il s'agissait d'administrer sa juste punition à quelque méchant raciste. On peut donc se demander, sans vouloir faire preuve de mauvais esprit, si c'est la bêtise ou la malhonnêteté qui les guide, quand ils brandissent cet argument comme Moïse les Tables de la Loi. Dans le cas de Yassine Belattar et de ses amis, bien qu'ils ne soient sans doute pas dénués de malhonnêteté, je crains que ce soit plutôt la bêtise...

vendredi 8 avril 2011

Le fléau de la discrimination à l'embauche

On entend régulièrement à la radio et à la télévision que, si les jeunes gens d'origine extra-européenne tombent plus souvent dans la délinquance que les autres, c'est parce qu'ils sont victimes de discrimination à l'embauche. Il s'agit comme toujours de nous expliquer que, si nous rencontrons des problèmes avec les populations issues de l'immigration, ce n'est pas de leur faute mais évidemment de la nôtre, salauds de racistes que nous sommes. Or, le Centre de Recherche en Économie et Statistiques vient de publier une étude très intéressante, sur laquelle nos amis journalistes ne se sont pas attardés plus que cela, qui tend à réfuter cette explication. En effet, ayant étudié le comportement à l'embauche des entreprises qui ont participé à l'expérimentation par le Pôle Emploi du CV anonyme dans 8 départements, cette étude a conclu que, non seulement le CV anonyme ne favorisait pas les candidats issus de l'immigration ou habitant les quartiers dits sensibles, mais qu'en réalité la suppression du bloc "état civil" leur était extrêmement défavorable.

Ainsi, alors qu'avec un CV traditionnel, les candidats correspondant à cette description ont 1 chance sur 10 d'obtenir un entretien (contre 1 chance sur 8 pour les autres candidats), ils n'ont plus que 1 chance sur 22 avec le CV anonyme (contre 1 chance sur 6 pour les autres candidats). En d'autres termes, avec le CV anonyme, les candidats issus de l'immigration ou habitant les quartiers dits sensibles ont à peu près 55% de chance en moins d'obtenir un entretien qu'avec le CV traditionnel, tandis que les autres candidats ont environ 33% de chance en plus d'obtenir un entretien avec le CV anonyme qu'avec le CV traditionnel. L'étude du CREST écarte plusieurs hypothèses qui pourraient expliquer ce résultat :
Il ne s'agit pas d'un artefact lié à l'expérimentation, qui aurait stimulé les entreprises recevant des CV nominatifs à modifier leur comportement ("effet placebo"). Il ne s'agit pas non plus, ou pas seulement, d'un problème de représentativité des entreprises qui ont accepté de participer à l'expérimentation. Les recruteurs de l'expérimentation ne viennent pas seulement d'entreprises déjà exemplaires en matière de discrimination et pour lesquelles le CV anonyme serait superflu, voire viendrait perturber une politique de recherche de diversité dans les recrutements.
D'autre part, les auteurs rejettent également l'hypothèse selon laquelle le CV anonyme entraînerait un surcoût pour les entreprises, comme celle selon laquelle il les conduirait à privilégier d'autres voies de recrutement. Mais alors, si ce résultat ne peut pas être expliqué de cette façon, qu'est-ce qui peut donc l'expliquer ?

Il ne reste évidemment qu'une explication, à savoir que non seulement les personnes issues de l'immigration ne sont pas victimes de discrimination à l'embauche, mais qu'elles sont au contraire favorisées en raison de leur origine. Les auteurs du rapports sont d'ailleurs obligés de l'admettre :
Reste l'hypothèse subtile mais plausible d'une interaction entre signaux envoyés par le corps du CV et signaux envoyés par le bloc état-civil : il se peut que l'anonymisation du CV, en ôtant de l'information sur les candidats, ait empêché les employeurs de réinterpréter à l'avantage des candidats potentiellement discriminés les autres signaux du CV.
Qu'en termes fleuris ces choses là sont dites, n'est-ce pas... Sans doute pour soulager leur conscience, les auteurs du rapports tentent de nous offrir un exemple acceptable de "réinterprétation à l'avantage des candidats potentiellement discriminés des autres signaux du CV" :
Par exemple, les "trous" dans le CV pourraient être expliqués par un accès plus difficile à l'emploi lorsque le CV montre que le candidat réside en ZUS, mais pas lorsque cette information est masquée.
Malheureusement pour eux, le problème avec cet exemple,  c'est qu'il suppose que, si les candidats en question ont un déficit d'expérience professionnelle par rapport aux autres, c'est parce qu'ils ont subi des discriminations à l'embauche, mais c'est précisément ce que leur étude tend à réfuter... Il serait très facile d'écarter définitivement cette hypothèse en se concentrant uniquement sur les premières recherches d'emploi, mais apparemment les auteurs de l'étude ont préféré en rester là...

Cette étude est particulièrement intéressante car, au delà du fait qu'elle réfute l'une des rengaines favorites du landerneau politico-médiatique, elle tend à montrer que les Français ont été tellement saoulés d'idéologie anti-raciste que, loin de discriminer les personnes issues de l'immigration, ils se croient obligés de préférer des Noirs et des Arabes à des Français de souche plus compétents, comme pour se convaincre eux-mêmes qu'ils ne sont pas racistes. En définitive, s'il y a du racisme à l'embauche en France, tout indique que ce sont les Français de souche qui en sont les victimes, et non pas les personnes issues de l'immigration. Comme quoi, quand on veut défendre l'orthodoxie politico-médiatique, ce n'est généralement pas une bonne idée de se pencher sur les faits, qui ont la fâcheuse habitude de se montrer plutôt récalcitrants aux délires idéologiques du moment. D'ailleurs, je ne me fais aucun souci, on aura tôt fait d'enterrer cette étude. Ce serait tout de même con que, pour une histoire de statistiques, nos amis journalistes et politiciens ne puissent plus entonner le chœur des pleureuses au sujet des jeunes issus de l'immigration en révolte contre l'insupportable racisme des Français. D'ores et déjà,  les quelques journaux qui s'en sont fait l'écho, sans doute à contrecœur, ont pris bien soin de ne pas chercher à l'interpréter. À leur décharge, il faut dire que la plupart des journalistes n'ont sans doute pas les capacités intellectuelles pour cela, mais enfin tout de même...

P.S.: Je sais que j'étais censé répondre à Aristide et Roman Bernard, mais je n'ai pas eu le temps et maintenant il est un peu tard.  J'aurai l'occasion de revenir sur ce dont il était question au cours de ma discussion avec eux quand j'écrirai le billet que j'ai en projet depuis un moment sur 2012.

P.S. bis : Le magazine Capital, qui reprend cette information, conclut et titre "le CV anonyme favorise les discriminations". Il faut donc en conclure que, si un Noir ou un Arabe n'est pas recruté parce qu'il est incompétent, le recruteur se rend coupable de discrimination. Évidemment, vu comme cela, il est tout de suite plus facile de se convaincre que la France est un pays raciste...

jeudi 24 février 2011

Réponse à l'hydre à deux têtes qui sévit chez Marie-Thérèse Bouchard

Qu'on se rassure tout de suite, en dépit de ce que pourrait laisser croire le titre de ce billet, n'ayant rien d'un Hercule ni d'un Robespierre, je n'ai aucunement l'intention de couper les têtes de cette hydre-là, d'autant que de toutes façons elles repousseraient sans doute. J'espère donc que Mlle Bouchard et M. Bernard me pardonneront cette audace et qu'ils prendront le temps de me répondre. J'écris en effet cette note en réponse aux derniers billets d'humeur (qu'elle a mauvaise semble-t-il) écrits par Mlle Bouchard sur son blog (à savoir celui-ci et celui-là), mais également aux commentaires laissés par M. Bernard en réponse à mes interventions sur le blog en question. J'ai déjà dit peu ou prou ce que je vais dire ici dans les commentaires de l'un des billets de Mlle Bouchard que j'ai mentionnés à l'instant, mais comme le sujet me paraît de la plus haute importance, il m'a semblé qu'il serait utile d'écrire un billet résumant de façon claire ma position et expliquant pourquoi je pense que le couple infernal suscité se trompe.

En premier lieu, histoire d'évacuer cela tout de suite, je voudrais dire que, contrairement à ce que semble penser M. Bernard (pour une raison qui m'échappe), je ne suis absolument pas un thuriféraire de l'État-providence et que d'une façon générale, je suis favorable à ce que l'État soit réduit aux fonctions régaliennes, ce qui soit dit en passant ne veut pas dire un État faible. Mon désaccord avec M. Bernard et Mlle Bouchard (que j'ai décidé de continuer à appeler "Bouchard", j'espère qu'elle ne m'en voudra pas) ne porte donc pas sur le rôle de l'État dans l'absolu, mais plutôt sur la stratégie politique qu'il convient d'adopter dans les circonstances actuelles. Tout au plus, s'il faut vraiment trouver un désaccord sur le fond (j'utilise cette expression en dépit du fait qu'il me semble que la question politique est d'une importance considérable), il semble que M. Bernard (j'ignore ce qu'il en est exactement de Mlle Bouchard) surestime l'importance de l'État-providence dans les difficultés auxquelles l'Occident est confronté, mais c'est anecdotique au regard de notre désaccord sur la question politique.

M. Bernard et Mlle Bouchard (du moins c'est ce que j'imagine dans le cas de cette dernière) sont d'accord avec moi sur le fait que l'immigration de masse représente une menace potentiellement mortelle pour la France et plus généralement l'Europe. Mais alors qu'il me semble que, compte tenu de la situation actuelle, il convient de lutter en priorité contre l'immigration de masse sans chercher à revenir sur l'État-providence, ils pensent au contraire qu'il faut se focaliser sur la question du rôle de l'État et s'efforcer de convaincre les Français de renoncer à l'État-providence. Accessoirement, il semble que M. Bernard et Mlle Bouchard pensent qu'il ne faut pas focaliser l'attention du public sur l'islam, quand au contraire je crois qu'il faut utiliser le sentiment de rejet que suscite cette religion chez les Européens pour lutter contre l'immigration. Je vais à présent m'efforcer de présenter plus en détail pourquoi je crois qu'il faut adopter la stratégie que je préconise et pourquoi il me semble que M. Bernard et Mlle Bouchard font tous les deux fausse route.

Le constat qui préside à mon analyse est que, compte tenu de la faiblesse actuelle de la natalité de la France et de l'Europe, ainsi que du solde migratoire largement excédentaire de notre continent, les peuples européens auront été submergés par des populations extra-européennes et seront devenus minoritaires d'ici à la fin du XXIème siècle. Mais nous aurons atteint le point de non retour bien avant que les individus d'origine extra-européenne soient devenus majoritaires dans la population, à savoir dès l'instant où les jeunes d'origine extra-européenne seront devenus majoritaires dans la population des moins de vingt-cinq ans, ce qui d'après les projections démographiques que l'on peut faire devrait arriver vers le milieu du siècle, après quoi le futur (ou plutôt l'absence de futur) de l'Europe aura été scellé et plus aucun espoir ne sera permis. J'en tire la conclusion qu'il faut impérativement renverser la tendance, c'est-à-dire faire en sorte que les populations autochtones croissent plus rapidement que les populations d'origine extra-européenne, avant que nous ayons atteint ce point de non retour.

Je pense que M. Bernard et Mlle Bouchard m'auront suivi jusque-là, notre désaccord porte sur la stratégie à adopter pour atteindre cet objectif. Il me semble que le seul moyen réaliste d'y parvenir, c'est de s'emparer de l'État et de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre l'immigration, ce qui suppose de parvenir à remporter les élections, quitte pour cela à renoncer momentanément à remettre en question l'État-providence. Mettre un terme au phénomène de substitution démographique est donc l'objectif principal qu'il faut poursuivre, tout simplement parce que c'est la condition sine qua non de tout le reste. Tant qu'il y a un peuple français, peu importe l'état de décadence dans lequel il se trouve, il y a un avenir possible pour lui. Par contre, s'il venait à disparaître sous l'effet de l'immigration, alors on pourrait être sûr qu'il n'y aurait rien à sauver. C'est donc tout ce que nous avons besoin de savoir : si les peuples d'Europe viennent à disparaître, aucune civilisation européenne ne peut exister, peu importe la forme que l'on souhaiterait qu'elle ait. Tant que les peuples d'Europe continuent à exister, l'avenir du continent n'est pas hypothéqué.

Il sera toujours temps ensuite de revenir sur l'État-providence, mais dans la mesure où il me paraît inenvisageable de rassembler une majorité contre l'État-providence avant que nous ayons atteint le point de non retour, alors qu'il me paraît au contraire tout à fait réaliste de rassembler une majorité contre l'immigration avant cela, je crois qu'il serait contre-productif de mettre la remise en cause de l'État-providence au centre de la communication politique d'un parti ayant pour objectif de mettre un terme au phénomène de substitution démographique. Le phénomène de substitution démographique serait tout aussi dangereux pour l'Europe si c'était des Tibétains qui s'y déversaient par millions et non pas des musulmans venus d'Afrique et du Moyen-Orient. Le fait que ce soit des musulmans d'Afrique, dont la religion et les mœurs barbares heurtent les us et coutumes des autochtones est une formidable chance, si je puis dire, pour nous. En effet, si vous menez le combat politique sur le terrain de la lutte contre l'État-providence, vous divisez les indigènes et vous n'obtiendrez jamais aucune majorité, tandis qu'au contraire si vous utilisez le rejet spontané de l'islam par les populations européennes, vous rassemblez et vous avez toutes les chances d'obtenir une majorité à terme. Si par ailleurs il peut être utile électoralement de gauchiser son discours, de faire l'apologie de l'État-providence et de la laïcité, alors il faut le faire, car encore une fois la lutte contre l'immigration de masse est une question de survie qui conditionne tout le reste. La politique est une question de priorités : il faut être flexible sur l'accessoire et ne pas bouger sur l'essentiel. Paris vaut bien une messe, comme disait l'autre.

M. Bernard pense au contraire que le seul moyen de mettre un terme au phénomène de substitution démographique est de revenir sur l'État-providence et il croit qu'on ne peut y parvenir qu'en faisant progressivement sécession de façon à le rendre obsolète. (Outre les commentaires que j'ai déjà évoqués plus haut, je vous invite à lire sa tribune chez Stag pour en savoir plus.) Le choix de cette stratégie repose sur l'hypothèse qu'il est impossible de lutter contre l'immigration de masse dans le cadre d'une société qui s'organise autour d'un État-providence. D'autre part, cette réponse suppose qu'il serait possible d'avoir détruit l'État-providence de cette façon avant que nous ayons atteint le point de non retour, c'est-à-dire avant le milieu du XXIème siècle. Il me semble que c'est précisément sur ces deux points qu'il se trompe et que cela invalide tout son raisonnement. Je vais donc m'efforcer d'expliquer rapidement pourquoi ces deux hypothèses sont fausses et j'espère qu'il me répondra précisément sur ces points-là.

En ce qui concerne la première hypothèse, à savoir qu'il est impossible de lutter contre l'immigration de masse dans le cadre d'une société qui s'organise autour d'un État-providence, j'ai indiqué dans les commentaires du blog de Mlle Bouchard pourquoi il me semble que l'État, qui est une structure extrêmement hiérarchique et pyramidale, serait parfaitement à même de mettre un terme à l'immigration de masse s'il existait une volonté politique de lutter contre ce phénomène au sommet de l'État. Je pense que c'est parfaitement exact, mais après tout il ne s'agit jamais que de raisonnements théoriques, dont j'admets qu'il est parfaitement possible, en principe, qu'ils soient invalidés par les données empiriques. Mais il existe un moyen beaucoup plus sûr de montrer avec certitude que c'est faux : il suffit de trouver un contre-exemple à cette généralisation. En effet, s'il existe un État-providence qui parvient à lutter contre l'immigration de masse, alors il n'est pas vrai qu'aucun État-providence ne peut lutter contre l'immigration de masse. Or, comme je l'avais fait remarquer dans les commentaires que j'ai laissés sur le blog de Mlle Bouchard et comme l'a ensuite rappelé Flannigan, il existe des États-providence qui n'ont aucun problème à lutter contre l'immigration de masse, comme le Japon par exemple.

J'insiste sur le fait que cela suffit à démontrer, sans aucun doute possible, qu'il n'est pas impossible de lutter contre l'immigration de masse dans une société qui dispose d'un État-providence. Sauf erreur de ma part, l'unique réponse de M. Bernard à cette objection consiste à faire remarquer que le Japon est un pays décadent, dont la démographie est particulièrement faible. Admettons en effet que le Japon soit un pays décadent, au moins il ne risque pas de disparaître, tandis que la France et plus généralement l'Europe sont directement menacés de disparition. Un pays décadent, tant qu'il continue d'exister, peut toujours espérer un redressement, mais ce n'est évidemment pas le cas d'un pays qui a cessé d'exister, comme ce sera bientôt le cas de la France à moins qu'on ne parvienne à inverser la tendance avant que nous ayons atteint le point de non retour. Ce qui m'amène à la seconde hypothèse de M. Bernard, à savoir qu'il serait possible d'avoir détruit l'État-providence en mettant en œuvre la stratégie de sécession qu'il prône avant que nous ayons atteint ce point de non retour. En effet, même s'il se trompe quand il dit qu'il est impossible à un État-providence de lutter contre l'immigration de masse, il se pourrait qu'il soit également possible d'y parvenir avec la stratégie qu'il propose, ce qui aurait l'avantage de nous débarrasser de l'État-providence du même coup.

Évidemment, il est impossible d'affirmer avec une certitude absolue que cette stratégie ne pourrait jamais aboutir d'ici au milieu du siècle, dans la mesure où le seul moyen de s'en assurer serait d'essayer et d'observer le résultat. Cependant, il me semble difficile de croire que cette stratégie pourrait aboutir avant qu'il ne soit trop tard, et à vrai dire j'ai du mal à concevoir que M. Bernard lui-même y croie vraiment. Quand bien même cela serait une possibilité, il me paraît encore moins contestable que la stratégie que je propose a beaucoup plus de chances de réussir. Par conséquent, dès lors que l'on s'efforce de faire des choix rationnels, il me semble que l'on doit préférer ma stratégie et que M. Bernard et Mlle Bouchard se trompent. Voilà donc ce que j'avais à dire sur cette question, j'espère que mon radotage n'aura ennuyé personne.

jeudi 13 janvier 2011

Zemmour sur les Noirs et les Arabes

Il est impossible d'échapper au procès de Zemmour, consacré notamment à ses propos sur les Noirs et les Arabes, qui se tient en ce moment à Paris. Cet événement illustre assez bien l'absence de liberté d'expression dont je parlais il y a peu. J'ai entendu un certain nombre de représentants des parties civiles reprocher à Zemmour de n'avoir pas tenu compte du contexte quand il a eu les propos qu'on lui reproche aujourd'hui devant un tribunal. J'avoue que je ne comprends pas bien de quel contexte ils veulent parler, mais puisqu'ils en sont à dire qu'il faut replacer les choses dans leur contexte, remettons donc les propos de Zemmour dans leur contexte. Quand il a dit que "la plupart des trafiquants [étaient] noirs ou arabes" et que c'était pour cela qu'ils étaient davantage contrôlés que les autres, Zemmour répondait à ses interlocuteurs qui affirmaient que le fait que les Arabes et les Arabes soient plus contrôlés que les autres démontrait le racisme des forces de l'ordre. En d'autres termes, ce que Zemmour a répondu à ses interlocuteurs, c'est qu'il y avait une autre explication à ce fait (que celle qui consiste à alléguer le racisme des forces de l'ordre), à savoir qu'il est tout simplement plus rationnel pour un policier de contrôler davantage les Noirs et les Arabes. Il se trouve que cet argument est logiquement tout à fait valide, c'est-à-dire qu'on est obligé d'accepter la conclusion dès lors qu'on accepte les prémisses.

Zemmour part du principe que les Noirs et les Arabes représentent plus de 50% des délinquants en France. Je n'ai aucun doute quant au fait que ce soit vrai, mais comme je veux montrer que son argument n'a pas besoin d'une hypothèse aussi forte, je vais faire une hypothèse beaucoup plus faible, à savoir que les Noirs et les Arabes sont surreprésentés parmi les délinquants. Soient a le nombre de Noirs délinquants en France, b le nombre total de Noirs dans la population française, c le nombre d'Arabes délinquants en France, d le nombre total d'Arabes dans la population française, e le nombre de Blancs délinquants en France, f le nombre total de Blancs dans la population française, x le nombre total de délinquants en France et y le nombre total d'habitants en France. Par convention, je comptabilise comme Blancs tous ceux qui ne sont pas noirs ou arabes, donc notamment les Asiatiques. Mon hypothèse selon laquelle les Noirs et les Arabes sont surreprésentés parmi les délinquants s'écrit : a/x > b/y et c/x > d/y, d'où a/b > x/y et c/d > x/y. En outre, comme par convention j'ai qualifié de Blancs tous ceux qui n'étaient pas noirs ou arabes, et puisque j'ai fait l'hypothèse que les Noirs et les Arabes étaient surreprésentés parmi les délinquants, il s'ensuit que les Blancs sont sous-représentés parmi les délinquants, ce qui s'écrit : e/x < f/y, d'où e/f < x/y.

Il s'ensuit de tout cela que a/b > e/f et c/d > e/f, c'est-à-dire que, a priori, la probabilité qu'un Noir ou qu'un Arabe soit un délinquant est supérieure à la probabilité qu'un Blanc, par quoi j'entends quelqu'un qui n'est pas noir ou arabe, soit un délinquant. Par conséquent, lorsqu'un policier doit faire un contrôle d'identité, à partir du moment où il a pour objectif de maximiser le nombre de délinquants qu'il interpelle et qu'il est exact que les Noirs et les Arabes sont surreprésentés parmi les délinquants, il est tout simplement rationnel de contrôler les Noirs et les Arabes de préférence aux Blancs, c'est-à-dire à tous ceux qui ne sont pas noirs ou arabes. La question de savoir si les policiers doivent être strictement rationnels dans ce cas-là peut se poser, mais c'est une autre question et en tout état de cause, le raisonnement de Zemmour est parfaitement valable, à condition toutefois qu'il soit exact que les Noirs et les Arabes sont surreprésentés parmi les délinquants. A fortiori, si les Noirs et les Arabes ne sont pas seulement surreprésentés, mais qu'ils représentent même la majorité des délinquants comme l'a dit Zemmour, la conclusion de son argument n'en est que d'autant plus vraie.

La réponse de Zemmour était donc logiquement irréprochable comme n'importe quel collégien un tant soit peu doué pourrait s'en convaincre facilement. Je ne vais pas perdre du temps à démontrer que la prémisse de son raisonnement, à savoir que les Noirs et les Arabes sont surreprésentés parmi les délinquants, est vraie mais au cas où certains d'entre vous auraient des doutes, c'est-à-dire seraient d'assez mauvaise foi pour le nier ou auraient eu le cerveau suffisamment lavé pour ne pas s'en apercevoir, sachez qu'en dépit de l'interdiction qui pèse sur les statistiques ethniques, il existe suffisamment d'indicateurs objectifs et d'études qui permettent de démontrer que cette affirmation est exacte au-delà de tout doute raisonnable. Je voudrais également ajouter à l'attention des imbéciles heureux qui nous ont expliqué à longueur d'émissions de télévision et de radio qu'il était scandaleux d'affirmer que la plupart des Noirs et des Arabes étaient des trafiquants que ce qu'a dit Zemmour, à savoir que la plupart des trafiquants étaient noirs ou arabes, n'implique absolument pas que la plupart des Noirs et des Arabes sont des trafiquants et que c'est tout simplement une grossière erreur logique que de prétendre le contraire, quand ce n'est pas une preuve de mauvaise foi.

Avant de vous quitter, pour faire écho au billet que j'avais consacré à la nullité des soi-disant scientifiques qui sont régulièrement invités par les médias (afin de nous expliquer que nous ne voyons pas ce que nous voyons pourtant fort bien), je vous invite à aller lire ce billet écrit par un certain François Briatte, doctorant en science politique qui écrit sur un blog où sévit également un autre doctorant qui se prétend spécialiste de l'extrême-droite. Cet individu essaie de nous démontrer dans ce billet, en utilisant des termes dont il ne comprend manifestement pas le sens, que le raisonnement de Zemmour, qu'il qualifie de "rhétorique de comptoir", n'est pas logiquement valide, ce en quoi tout ce qu'il démontre, c'est l'étendue de son imbécilité et son incapacité à comprendre un raisonnement qui est pourtant à la portée du premier imbécile venu. Quand je lis ce billet, j'hésite entre le rire et la consternation, car je sais que cet imbécile heureux, dont le QI avoisine pourtant celui d'une huitre trisomique, finira un jour sur les plateaux de télévision à nous expliquer avec des airs supérieurs que nous sommes des crétins. Ce billet me paraît également intéressant en cela que sa rhétorique prétendument scientifique illustre assez bien la stratégie de ces personnages, qui consiste à se donner des airs de sérieux en recourant à des termes compliqués qu'ils ne comprennent pas eux-mêmes pour donner du crédit aux imbécilités qu'ils avancent, non seulement en toute impunité, mais avec le soutien de l'État, c'est-à-dire du contribuable, qui les paie pour débiter leurs conneries. Cerise sur le gâteau, on apprend en lisant les commentaires de ce billet qu'il tient manifestement en haute estime Laurent Mucchielli, dont j'avais précédemment démontré l'incompétence.

jeudi 6 janvier 2011

Affreux, sales et méchants : les journalistes dans leur habitat naturel


Ces gens-là dont la vie n'est qu'une longue infamie,
Dont l'existence même n'est qu'un odieux méfait,
N'ont pour tout horizon que Saint-Germain-des-Prés,
Et chez eux la raison est tout comme abolie.

Il vit aujourd'hui une espèce animale dont les représentants, qu'on appelle les journalistes, occupent désormais une place éminente dans notre société. Ce qui caractérise d'abord et avant tout les journalistes, c'est qu'ils ne savent absolument rien mais qu'ils parlent d'absolument tout. C'est d'ailleurs très exactement ce en quoi consiste leur métier : parler de ce qu'ils ne connaissent pas et uniquement de cela. D'un autre coté, s'ils ne devaient parler que de ce qu'ils connaissent, ils ne diraient jamais rien, ce qui leur fait un point commun avec les politiciens. D'ailleurs, plusieurs récentes observations ont confirmé ce qu'on soupçonnait depuis longtemps, à savoir que ces deux espèces étaient étroitement apparentées du fait que leurs membres se reproduisaient fréquemment les uns avec les autres. C'est pourquoi il peut être extrêmement difficile, même pour un oeil exercé, de faire la différence entre un journaliste et un politicien. Ceux d'entre vous qui ont pu observer des politiciens se feront d'ailleurs sans doute la remarque que beaucoup des choses que je vais dire sur les journalistes s'appliquent également à eux.

Le journaliste est un animal extrêmement grégaire qui chasse en meute et ne se sépare que très rarement du troupeau. Lorsqu'un de ses congénères est attaqué, le journaliste ne cherche pas à savoir si celui-ci est en tort, mais par un mécanisme qui reste encore très mystérieux, il s'empresse de voler à son secours en criant au fascisme et à la dérive populiste. Il semble considérer que toute critique qu'on lui adresse est une atteinte à sa dignité et qu'elle doit automatiquement faire l'objet d'une condamnation unanime. Ainsi, aussitôt qu'il a été blessé - même très superficiellement - par l'une de ses proies qui s'est avérée trop grosse pour lui tout seul, le journaliste émet une longue plainte et continue à gémir jusqu'à ce qu'il ait attiré l'attention de ses congénères, qui se jettent alors avec lui sur leur victime et la dépècent rapidement. D'une façon générale, les journalistes aiment s'acharner à plusieurs sur leur victime, de préférence quand celle-ci est affaiblie, car à l'instar des hyènes, il est rare qu'ils osent s'attaquer aux bêtes vraiment dangereuses. Parmi tous les animaux chez qui le réflexe corporatiste est particulièrement développé, le journaliste est sans doute celui - avec le fonctionnaire - chez qui il se manifeste avec le plus de violence et s'accompagne du moins de réflexion.

D'ailleurs, la réflexion est une chose tout à fait inconnue du journaliste, qui se distingue en effet par l'étendue de sa bêtise, laquelle semble ne connaître aucune limite. Certains expliquent d'ailleurs l'instinct de troupeau des journalistes par leur stupidité. Il s'agirait d'après cette explication de compenser par cette solidarité inconditionnelle la faiblesse de leur intelligence, qui les empêcherait autrement d'avoir jamais le dessus sur leurs adversaires. En effet, ces derniers, à défaut d'être particulièrement intelligents, ont la plupart du temps un quotient intellectuel supérieur à celui d'un chimpanzé bourré au whisky, dont les capacités intellectuels sont à peu près équivalentes à celles d'un journaliste, à condition qu'il ait bu énormément de whisky et qu'il ne soit pas très doué. Ce défaut d'intelligence se manifeste notamment lorsqu'on accuse les journalistes de corporatisme, ce qui ne manque jamais de provoquer une vague d'indignation unanime de leur part... En cela, ils ne sont pas sans rappeler les musulmans, qui, lorsqu'on leur reproche d'être violents, ne trouvent généralement rien de mieux à faire que de protester en massacrant - pacifiquement cela va sans dire - tous les chrétiens qu'ils peuvent trouver.

Mais cette bêtise trouve à s'exprimer de toutes les façons possibles et imaginables. Ainsi, s'exprimant au sujet des instructions données par les services de certaines préfectures aux directeurs de centre d'accueil pour sans-abris, Anne-Sophie Mercier, femelle de l'espèce des journalistes de gauche et autrefois membre de la meute de Charlie Hebdo, crut avoir démontré qu'il ne pouvait pas manquer de places dans les centres en question après qu'elle eut remarqué que, sur l'ensemble du territoire, le nombre de places dans les centres d'accueil était supérieur à celui des sans-abris. De toute évidence, il ne lui était pas venu à l'esprit que, peut-être, ce qui était vrai au niveau national ne l'était pas au niveau local. Il semble que le cerveau du journaliste ne soit tout simplement pas suffisamment développé pour qu'il puisse se livrer à des raisonnements aussi élémentaires que celui-ci. La cause de cette atrophie du cerveau reste encore un objet de controverse à l'heure qu'il est : certains avancent l'hypothèse qu'elle serait due à l'alimentation des journalistes, trop pauvre en protéines, tandis que d'autres y voient plutôt la conséquences de maladies qui n'auraient pas été correctement soignées pendant l'enfance.

Outre son extrême bêtise, le journaliste se caractérise également par la médiocrité de sa culture, si tant est que l'on puisse parler de culture dans son cas. D'ailleurs, plutôt que médiocre, on aurait mieux fait de dire qu'elle est inexistante. Ce manque d'instruction ne laisse pas d'étonner les observateurs, y compris ceux d'entre eux qui ont vécu au milieu de journalistes pendant plusieurs années et devraient y être accoutumés, tant il paraît difficile de croire qu'on peut être à ce point ignorant. Pendant leur jeunesse, tandis qu'ils ne sont pas encore parvenus à maturité, on les prépare à leur futur métier dans des établissements comme les IEP et les écoles de journalisme, où l'on met un zèle particulier à annihiler tout ce qui pourrait leur rester d'esprit critique, ce qui est d'autant plus remarquable qu'en général ils sont admirablement bien disposés à n'en avoir aucun. Là-bas, ils ingurgitent par dizaines ce qu'on appelle dans ces établissements des fiches de culture générale, lesquelles, si elles sont en effet très générales, n'entretiennent avec la culture qu'un rapport extrêmement mystérieux. Plus tard, quand il a atteint l'âge adulte, tout ce qu'un journaliste dit ou écrit, dès lors que son propos comporte quelque référence culturelle, trouve son origine dans ces fiches, qui constituent en effet à tout jamais le fond (et le tout) de sa culture.

C'est pourquoi il arrive souvent qu'un journaliste cite un auteur qu'il n'a jamais lu pour lui faire dire quelque chose qu'il n'a jamais dit, ce qui vient de ce qu'il a un jour lu une fiche qui résumait en quelques lignes l'oeuvre d'un auteur ayant écrit plusieurs milliers de pages et dont il est depuis persuadé qu'il comprend toutes les subtilités. Il est vrai que certaines personnes ont rapporté avoir vu des journalistes lire des livres, mais la réalité de ces observations est généralement mise en doute. La plupart des spécialistes sont d'accord pour conclure qu'il s'agit d'une légende. Certains ont émis l'hypothèse qu'on avait pu surprendre un journaliste avec un livre dans la main, à la suite de quoi on aurait conclu qu'il était en train de lire cet ouvrage, alors qu'en réalité il s'apprêtait à l'utiliser pour caler les étagères où trône sa collection de Télérama. Quand bien même arriverait-il à des journalistes de lire un livre, compte tenu de la débilité de leur intellect, il est évident qu'il ne pourrait rien en sortir de bon. D'ailleurs, tout compte fait, il est probable que l'humanité n'ait qu'à se féliciter de ce que les journalistes ne lisent pas davantage.

Quoi qu'il en soit, en dépit d'une bêtise et d'une ignorance qui les placent aux derniers rangs du règne animal, les journalistes sont absolument convaincus d'être nettement au-dessus de la populace, qu'ils n'hésitent d'ailleurs pas à mépriser ouvertement quand celle-ci a l'audace de leur déplaire, ce qui se produit généralement à chaque fois qu'elle vote. Cela explique sans doute la conception qu'ils ont de leur métier, selon laquelle celui-ci ne consiste pas seulement à informer les gens sur la réalité, mais aussi et surtout à présenter cette réalité de manière responsable, ce qui est une façon elle-même responsable d'expliquer qu'ils passent sous silence tout ce qu'il ne convient pas que les gens sachent. On ne sait jamais, ils pourraient en tirer de mauvaises conclusions et voter pour des gens qui précipiteraient le retour des heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire, ce que les journalistes veulent par dessus tout éviter. Et puis, vous comprenez, il ne faut pas désespérer Saint-Germain-des-Prés... D'ailleurs, s'il y a une chose qu'on en peut pas reprocher aux journalistes, c'est bien de nous informer, ce qui montre qu'à l'occasion, ils sont capables de faire preuve d'une cohérence qui n'est pas sans rappeler celle dont sont capables certains primates plus évolués. Ainsi, non seulement les journalistes font des efforts héroïques pour cacher ce dont il serait inconvenant de parler, mais de plus ils s'efforcent autant que possible d'éduquer le public. C'est qu'en effet ils ne s'aperçoivent pas qu'ils sont les moins bien placés pour mener cette tâche à bien. De là vient l'esprit de mission qui semble animer la plupart des journalistes.

Mais, évidemment, ce souci d'informer de manière responsable n'est pas l'unique raison de leurs omissions. En effet, si les journalistes gardent le silence dès qu'une information par trop sensible leur tombe entre les mains, c'est aussi très souvent en raison de leur immense lâcheté, qui caractérise leur espèce aussi surement que ce dont nous avons parlé jusqu'à présent. Le journaliste ne sait que trop bien que tout écart vis-à-vis de l'idéologie dominante peut entraîner son exclusion de la meute, alors il choisit généralement de s'écraser comme une merde avec une constance qui forcerait l'admiration si elle était mise au service de plus nobles instincts. Mais la couardise du journaliste ne s'explique pas uniquement par le souci qu'il a des intérêts supérieurs de sa carrière, car il est également très préoccupé par son intégrité physique. Ainsi, tout à son désir de se faire passer pour un combattant des Lumières et un héros du progrès, il n'hésite pas à s'en prendre de la façon la plus véhémente au Pape, cet excité de la calotte qu'il n'a aucun problème à représenter en train d'enculer un gamin et dont il n'a pas de mots assez durs pour condamner l'homophobie. Par contre, quand il s'agit de critiquer l'islam, qui exige en effet l'assassinat des pédés et dont le prophète était effectivement pédophile, on ne l'entend plus. C'est que, voyez-vous, dans le cas de l'islam, le journaliste sait qu'il risquerait vraiment sa peau, alors qu'avec les chrétiens, il sait parfaitement qu'il peut jouer les matamores à peu de frais, sans qu'il ne lui en coûte jamais rien, sinon peut-être de voir une bande de cul-bénits venir prier pour son âme sous ses fenêtres. D'où l'on voit que la peur, qu'il ne cesse pourtant de dénoncer en boucle, comme je l'ai expliqué par ailleurs, exerce sur lui un effet très puissant, et qu'elle suffit amplement à lui ôter toute velléité subversive et à calmer ses ardeurs de libre penseur, qu'il apaise en s'attaquant à ceux qu'il sait parfaitement inoffensifs.

Ce qui reste un mystère pour tous les gens qui s'intéressent à cet étrange animal, c'est qu'il n'ait pas encore été éliminé par la sélection naturelle. Il semble en effet tout à fait étonnant que les autres animaux qui vivent dans son environnement tolèrent l'existence de ces parasites nuisibles que sont les journalistes. Pourtant, non seulement ils la tolèrent, mais ils la subventionnent largement, ce qui devrait nous amener à nous demander si les plus cons, des journalistes et de ceux sur le dos desquels ils vivent, ce ne sont pas finalement ces derniers.