Il existe en théorie deux moyens d'augmenter le coût des crimes et délits : on peut augmenter la sévérité des peines encourues ou l'on peut accroître la certitude qu'un tel acte sera en effet puni. Il est évidemment plus facile d'augmenter la sévérité des peines (il suffit pour cela de changer la loi), mais cela ne sert à rien si la probabilité qu'elles soient appliquées diminue dans la même proportion, du moins si l'on fait l'hypothèse que les criminels et délinquants accordent la même importance à la sévérité de la peine qu'à la probabilité de son application (ce qui n'est vraisemblablement pas le cas). Supposons par exemple qu'un certain type de crime est puni d'une peine de six ans de prison et qu'un crime de ce type sur deux soit en effet puni. Si l'on porte la peine encourue pour ce type de crime à douze ans, mais que dans le même temps la probabilité que les individus coupables d'un crime de ce type se voient appliquer cette peine passe à un sur quatre au lieu d'un sur deux comme auparavant, l'espérance mathématique de la durée de la peine encourue pour un crime de ce type reste la même, à savoir trois ans (1/2 x 6 = 1/4 x 12 = 3) dans les deux cas.
L'idée n'est évidemment pas que les criminels et délinquants se livrent à un calcul mathématique avant de commettre un acte illégal, mais qu'il se livre à un calcul plus ou moins intuitif dont les résultats sont approximativement les mêmes que le calcul mathématique correspondant. La question n'est donc pas de savoir si les criminels et délinquants sortent leur calculette avant de commettre un crime ou un délit - tout le monde sait bien que ce n'est pas le cas - mais si leur comportement est à peu près conforme à ce que prédit le modèle du choix rationnel. C'est une question à laquelle on peut répondre par des études empiriques dont le but est de déterminer si l'on peut mettre en relation le niveau de criminalité et de délinquance avec la sévérité des peines et la probabilité de leur application. La mise à l'épreuve de cette hypothèse nécessite des outils statistiques relativement complexes, visant notamment à isoler l'importance des autres facteurs agissant sur la criminalité et la délinquance, mais ces outils sont disponibles et il est donc tout à fait possible de tester la théorie du choix rationnel.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un grand nombre d'études ont été effectuées dans le but de tester cette théorie, qui nous donné une idée assez précise de la relation entre la sévérité et la certitude de la punition d'un coté et le nombre de crimes et délits de l'autre. Le résultat de ces travaux est que la punition a indiscutablement un effet dissuasif significatif sur les criminels et les délinquants. Les premiers travaux de ce genre portaient spécifiquement sur le caractère dissuasif de la peine de mort aux États-Unis et avaient conclu à l'absence d'effet dissuasif de la peine de mort, mais ils ont rapidement été remis en cause en raison du caractère extrêmement primitif des outils statistiques utilisés, qui faussait les résultats. Un coup d'œil aux arguments employés par les soi-disant scientifiques - comme Laurent Mucchielli dont j'ai déjà prouvé l'incompétence - qui prétendent que la répression n'est pas la solution à l'insécurité suffit à se convaincre qu'ils souffrent des mêmes défauts, à savoir un manque de sophistication méthodologique criant : absence d'analyse statistique digne de ce nom, données insuffisantes, manquements à la logique la plus élémentaire, etc. Mais j'y reviendrai rapidement plus tard, pour l'instant voyons ce qui a été scientifiquement démontré.
Les travaux sur l'effet dissuasif de la peine de mort menés aux États-Unis dans années 1950 et ceux menés par les sociologues français aujourd'hui ne sont donc pas fiables, mais on dispose d'un grand nombre d'études autrement plus sérieuses ayant été effectuées aux États-Unis et ailleurs depuis les années 1960 qui démontrent toutes que la punition a un effet dissuasif significatif et que la politique de répression est donc efficace, toutes choses étant égales par ailleurs. Pour dire les choses clairement, si vous augmentez la sévérité des peines ainsi que la probabilité qu'elles soient appliquées, la délinquance et la criminalité baisseront, à condition que les autres facteurs ayant une influence sur le nombre de crimes et délits ne bougent pas dans le même temps. Dans un article célèbre, Gordon Tullock a livré une excellente synthèse de la littérature scientifique sur le sujet, récapitulant l'évolution des économistes et des sociologues depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux années 1970.1 Il explique que les premières études sérieuses sur le sujet ont été effectuées par des économistes et qu'elles ont par la suite été confirmées par des sociologues.
Il est particulièrement intéressant de noter que les sociologues en question ont été conduit à confirmer l'existence d'un effet dissuasif de la punition, dans la mesure où ils avaient au départ entrepris d'étudier la question dans le but de prouver qu'il n'existait aucun effet de cette sorte. Ayant mené leurs études sérieusement, ils ont été forcés de constater qu'un tel effet existait bel et bien, ce qui prouve deux choses à leur sujet, si on les compare à leurs homologues français d'aujourd'hui : d'une part, qu'ils sont honnêtes et, d'autre part, qu'ils sont compétents, contrairement à des gens comme Laurent Mucchielli qui ne sont ni l'un ni l'autre. Les résultats obtenus dans les années 1960 et 1970 ont été depuis systématiquement confirmés, comme l'explique Morgan Reynolds dans une synthèse plus récente.2 Par conséquent, quand Laurent Mucchielli affirme que "de manière générale, l'idée que l'intensification de l'action de la police serait le principal facteur (direct par dissuasion ou indirect par effet des arrestations) de réduction du volume global de la délinquance est une idée fausse", ce qu'il dit est démenti par toutes les études scientifiques sérieuses sur la question.3
Il faut également noter que l'effet dissuasif qu'elle a sur les criminels et les délinquants n'est pas la seule façon dont la punition contribue à faire baisser la délinquance et la criminalité : en effet, pendant qu'un criminel ou un délinquant est en prison, il ne peut plus faire de tort au reste de la population, ce qui conduit également à une réduction du nombre de crimes et délits. Un autre fait intéressant et que, comme l'explique Morgan Reynolds, non seulement il est démontré que la punition a un effet dissuasif sur les criminels et les délinquants, mais il est aussi établi que, jusqu'à présent, aucune des alternatives à la punition (c'est-à-dire les mesures que l'on qualifie de réhabilitation) n'a démontré la moindre efficacité, à l'exception de quelques cas particuliers. Pire, il a été démontré que, dans certains cas, non seulement les mesures de réhabilitation ne faisaient pas diminuer la criminalité, mais qu'au contraire elles contribuaient à l'accroître ! Aussi, quand Laurent Mucchielli prétend que "il faudrait se préoccuper de l'efficacité réelle des sanctions pénales et des alternatives à la prison", il ne croit pas si bien dire, mais il est malheureux qu'il ne soit manifestement pas au courant qu'on ne l'a pas attendu pour se pencher sur ces questions...4
Mais alors pourquoi continue-t-on à dire que la répression est inefficace ? Tout simplement parce que ceux qui disent cela ne tiennent aucun compte des faits et qu'ils sont manifestement incompétents. J'ai dit plus haut que les études affirmant le contraire souffraient d'un grand nombre de défauts qui rendaient leurs conclusions invalides. Il me semble qu'il n'est pas inutile de réfuter certains des arguments utilisés pour nier l'efficacité de la répression dans la lutte contre la délinquance et la criminalité. Cela permettra également d'illustrer l'incompétence des sociologues qui sont régulièrement invités à s'exprimer dans les médias sur les questions d'insécurité. Les arguments que je vais démonter sont régulièrement utilisés dans les médias et, pour la plupart, se retrouvent également dans l'article du numéro hors-série d'Alternatives économiques que j'ai cité plus haut.
Ainsi, par exemple, il est courant de s'entendre dire que, de toute évidence, la punition n'a pas d'effet dissuasif, car on constate que l'emprisonnement, non seulement ne contribue pas à réduire le taux de récidive, mais en réalité tend même à l'accroître. C'est ce que traduit l'adage selon lequel la prison est l'école du crime. En d'autres termes, la punition n'a pas d'effet dissuasif spécifique, c'est-à-dire sur les individus qui la subissent. D'abord, pour ce qui est du constat, ou de ce qui est présenté comme tel, il est faux. En effet, comme c'est expliqué dans un article récent, qui démontre plus généralement que, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, l'effet dissuasif de la punition est plus important sur les criminels et délinquants potentiels que sur les individus peu susceptibles de commettre un crime ou un délit, la prison a bel et bien un effet dissuasif sur ceux qui y ont séjourné.5 Je soupçonne que la raison pour laquelle on dit que la prison n'a pas d'effet dissuasif spécifique est qu'on constate un taux de récidive important à la sortie de prison. Pour démontrer que la punition n'a pas d'effet dissuasif spécifique, il faudrait prouver que, toutes choses étant égales par ailleurs, un individu ayant fait de la prison en punition d'un crime ou d'un délit qu'il a commis avait plus de chance de commettre à nouveau des crimes et délits que s'il n'avait pas été incarcéré. Or, comme nous l'avons vu, il est établi que ce n'est pas le cas.
Mais admettons que cela ne soit pas vrai, même dans ce cas, il ne s'ensuit pas que la punition n'a pas d'effet dissuasif général, à moins de confondre l'effet dissuasif général et spécifique. L'effet dissuasif spécifique est l'effet dissuasif de la punition sur ceux qui la subissent, tandis que l'effet dissuasif général est l'effet dissuasif de la punition sur l'ensemble des criminels et délinquants potentiels, qu'ils la subissent eux-mêmes ou pas. Même si l'emprisonnement n'avait pas d'effet dissuasif spécifique, il pourrait néanmoins fort bien avoir un effet dissuasif général. En effet, il se pourrait que bien qu'elle ne dissuade pas ceux qui la subissent de récidiver à leur sortie de prison, la punition dissuade fortement les individus qui auraient pu être tentés de commettre un crime ou un délit de passer à l'acte. Sous certaines conditions qui paraissent vraisemblables, l'emprisonnement aurait alors un effet dissuasif général en dépit du fait qu'il n'aurait pas d'effet dissuasif spécifique. Nous sommes donc en présence d'un argument qui non seulement ne repose sur aucun fait, mais qui est de surcroît tout ce qu'il y a de plus fallacieux.
Les autres arguments visant à nier l'efficacité d'une politique répressive en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité prétendent démontrer l'inefficacité de cette politique à partir du cas français au cours des dernières années. On peut notamment trouver un exemple de cette approche dans l'article d'Alternatives économiques cité plus haut. Cet article s'appuie sur les travaux de sociologues proches de Laurent Mucchielli, dont ce dernier lui-même qui y est cité à plusieurs reprises. L'idée générale est que, depuis 2002, le gouvernement a mené une politique de répression féroce dans le cadre de la lutte contre la délinquance et la criminalité, mais que celle-ci n'a pas donné de résultats probants, ce qui invaliderait l'hypothèse que la répression est efficace dans ce domaine. Le problème de cette analyse, c'est qu'elle repose sur la prémisse que, entre 2002 et 2008, le gouvernement a en effet mené une politique plus répressive qu'auparavant, alors que les données empiriques qui sont avancées pour justifier cette prémisse ne permettent absolument pas de l'affirmer. Ce genre d'arguments démontre abondamment l'inaptitude scientifique totale de ces gens, qui n'ont de toute évidence pas les compétences nécessaires pour mener des études quantitatives sérieuses.
Par exemple, l'un des indicateurs qui selon eux montrent que la répression est devenue plus forte est l'évolution de la législation en matière de criminalité et de délinquance, domaine dans lequel des peines plus longues qu'auparavant ont été proposées. Or, il est bien évident que cet indicateur ne permet aucunement d'inférer que la répression est devenue plus importante depuis 2002, même toutes choses égales par ailleurs. En effet, l'augmentation de la durée des peines prévues par la loi n'a aucune importance si par ailleurs le taux d'élucidation des affaires a diminué pour les crimes et délits susceptibles d'entraîner des peines de prison, si les personnes arrêtées ont été moins souvent condamnées, si la durée des peines prononcées par la justice a diminué en dépit de cette évolution législative ou si le taux d'application des peines a également diminué pendant cette période. Le seul indicateur qu'il faudrait prendre en compte pour déterminer si la répression a en effet été plus importante sur cette période, c'est l'évolution du rapport entre l'espérance mathématique de la durée de la peine de prison encourue pour un type de crime ou délit et le nombre des crimes et délits de ce type.
D'autre part, Laurent Mucchielli et ses amis s'appuient sur l'augmentation de la population carcérale pour conclure au renforcement de la répression sur cette période, mais là encore il est évident qu'un tel raisonnement est complètement fallacieux. En effet, le fait qu'il y ait plus de détenus dans les prisons ne démontre pas que la répression est plus forte qu'auparavant, car il est tout à fait possible que ce soit tout simplement la criminalité et la délinquance qui aient augmenté, ce qui aurait pour effet un accroissement de la population carcérale sans pour autant qu'il y ait eu un renforcement de la répression à l'égard des criminels et des délinquants. Or, le fait que la délinquance générale ait diminué pendant que le nombre de détenus augmentait ne suffit pas à infirmer cette hypothèse, contrairement à ce qui ne manqueraient pas d'affirmer Mucchielli et ses petits copains. En effet, comme Mucchielli lui-même ne cesse de le répéter, la baisse de la délinquance concerne principalement des délits mineurs : infractions au code de la route et autres menus larcins peu susceptibles d'entraîner effectivement une peine de prison.
Au contraire, les délits les plus susceptibles d'entraîner effectivement une peine de prison, tels que les atteintes aux personnes, n'ont cessé d'augmenter, ce qui tend à indiquer que ce n'est pas la répression qui s'est accrue, mais plutôt le nombre de crimes et délits les plus susceptibles d'entraîner effectivement des peines de prison qui a augmenté, ce qui a mécaniquement entraîné une augmentation de la population carcérale sans pour autant que la répression ait été aucunement plus féroce. Là encore, avant de pouvoir tirer la moindre conclusion, il faut donc rapporter la population carcérale au nombre de crimes et délits susceptibles d'entraîner une peine de prison effectivement commis (qu'il peut être difficile à évaluer, mais c'est une autre question), puis examiner l'évolution de ce rapport depuis 2002. Qui plus est, même si l'on trouvait que la répression a en effet été accrue pendant cette période, encore faudrait-il s'assurer que les autres facteurs de la criminalité et de la délinquance sont restés constants pour en tirer la conclusion que la répression n'est pas efficace. Il ne fait guère de doute que, si l'on faisait ce travail sérieusement, on parviendrait à la conclusion que la répression ne s'est pas accrue de manière significative depuis 2002, puisque comme je l'ai expliqué plus haut, il est établi au-delà de tout doute raisonnable que la répression est un instrument très efficace dans la lutte contre l'insécurité.
Cela ne surprendra personne qui s'intéresse un tant soit peu au comportement du gouvernement pendant cette période, au-delà des déclarations bravaches et autres promesses électorales. On sait bien en effet que les autorités politiques vivent dans la crainte perpétuelle d'une "bavure" (qui est devenu le nom que l'on donne à l'action de la police quand elle fait son travail), ce qui les conduit à donner des consignes très strictes sacrifiant l'ordre et la sécurité à long-terme à la paix sociale à court-terme. Il suffit de se rappeler que Michèle Alliot-Marie, alors Ministre de l'Intérieur, expliquait en 2008 au micro de RMC le plus sérieusement du monde que ce n'était pas le travail des policiers de courir après les voleurs... La vérité c'est qu'on ne donne pas les moyens aux forces de l'ordre de faire respecter l'ordre justement. Quand je parle de moyens, je ne parle pas de moyens matériels, car la France compte bien plus de flics par habitant qu'il est nécessaire. Je parle de la liberté d'action qui leur est accordée : il ne sert à rien en effet d'augmenter le nombre de flics si on leur interdit d'agir de façon énergique. Or, comme je l'ai expliqué à l'instant, c'est précisément ce qui arrive. Cent flics qui ont l'ordre de rester l'arme au pied ne sont guère plus efficaces que deux-cent flics qui ont l'ordre de rester l'arme au pied...
L'une des conclusions des études dont j'ai parlé dans ce billet, c'est aussi que la punition est d'autant plus efficace qu'elle est administrée à un jeune âge. À l'heure où l'on tente de criminaliser la fessée, on ne dira jamais assez tout le bien qu'une paire de baffes peut faire, en particulier de la part des policiers quand ils sont insultés. En effet, le fait qu'il n'y ait aucune réponse aux insultes dont sont victimes les policiers est le premier enseignement de l'impunité et du mépris de l'autorité, lesquels conduisent plus tard à la délinquance. C'est rendre un grand service à ces merdeux que de leur coller une paire de baffes quand ils s'avisent d'insulter un représentant de l'État. Je me souviens avoir entendu dans un documentaire un ancien flic qui expliquait comment ce qu'il appelait le "traitement manuel" des incivilités (comprendre la torgnole) était devenu inacceptable de nos jours. À la place, les agents de police sont priés de dresser un procès verbal pour outrage à agent, qui donne lieu à une amende qui n'est de toute façon jamais payée. Il serait peut-être temps de remettre au goût du jour le "traitement manuel" des problèmes, pas uniquement celui des insultes aux agents des forces de l'ordre d'ailleurs...
Comme je l'ai expliqué dans un billet précédent, l'un des problèmes fondamentaux que nous rencontrons aujourd'hui dans la lutte contre l'insécurité, c'est que les gens censés nous diriger ne croient plus à la légitimité de l'exercice de la violence par l'État. De la même façon, ils ne croient plus à la légitimité de la punition des coupables, qu'au fond ils jugent odieuse et barbare et à laquelle ils préfèrent les mesures de réhabilitation, en dépit de leur inefficacité patente. J'ai expliqué dans ce billet que la punition était indiscutablement efficace pour lutter contre la criminalité et la délinquance, mais je voudrais insister sur le fait que, comme l'a fait remarquer Gordon Tullock dans l'article cité plus haut, cela ne suffit pas à justifier la punition des criminels et des délinquants. On peut en effet avoir d'autres raisons de ne pas vouloir recourir à la répression pour s'attaquer au problème de l'insécurité. Il est évident que la punition n'est pas un moyen d'action plaisant et que tout le monde lui préférerait la réhabilitation si celle-ci était efficace. D'ailleurs, même si l'on sait que la réhabilitation est inefficace, on peut tout à fait continuer de refuser de punir, par exemple si l'on juge que c'est une méthode barbare.
C'est sans doute parce qu'ils sont de cet avis que la plupart des escrocs qui officient à la télévision, la radio et dans les journaux ont fini par se convaincre que la répression était inefficace, en dépit de ce que les faits démontrent abondamment. Il est en effet toujours difficile d'accepter qu'une chose que l'on trouve mauvaise sous un certain rapport puisse être bonne sous un autre rapport. Mais ce qu'on ne peut pas faire, c'est prétendre que la punition est inefficace, car elle ne l'est pas. D'autant plus que le peuple, dans sa grande majorité (Morgan Reynolds cite à ce sujet quelques études d'opinion dans son article), contrairement à ce qui nous sert d'élites, n'a aucune opposition de principe à la punition. Par conséquent, si les gens savaient que c'est un moyen d'action efficace, alors que ce n'est pas le cas de la réhabilitation, et si par ailleurs nous vivions en démocratie, il ne fait aucun doute que la répression serait plus forte qu'elle ne l'est et que l'insécurité diminuerait de manière significative. Encore faudrait-il qu'ils soient correctement informés et que les autorités politiques soient forcées de prendre en compte leurs desiderata...
P.S. : Par un heureux hasard, l'Est Républicain publie un entretien avec un certain Maurad Ghazli, que je ne connais mais qui est présenté comme un "ex-UMP déçu", dont je vous livre un extrait qui montre que certains n'ont pas besoin de mes démonstrations. Voici donc le passage en question, qui se trouve en parfait accord avec ce que je disais plus haut :
Il ne se passe pas une semaine sans un règlement de compte à la Kalachnikov. Que pensez-vous des réponses policières ?
Les policiers n’en peuvent plus et la stratégie de leur hiérarchie est complètement inadaptée, notamment avec l’envoi de CRS ou les opérations dans les cages d’escalier du nouveau préfet de Seine-Saint-Denis, le tout soigneusement médiatisé. Les CRS doivent intervenir sur des problèmes ponctuels. Pour le quotidien, il faut du gardien de la paix, qui comme son nom l’indique, rétablisse la paix. Mais pas des fliquettes qui se font impunément traiter de « fille de pute » par des Barracudas. Il faut des flics retaillés.
De quasi-commandos…
Absolument. Affûtés ! Avec un très haut niveau physique, pas de braves fonctionnaires qui courent le 100 mètres en 45 secondes. Ils doivent maîtriser les sports de combat.
Pour passer le Kärcher ?
Cette histoire est l’une des plus belles mystifications de ces dernières années. Les jeunes savent qu’ils ne risquent rien. Encore moins qu’avant. S’ils se font prendre, ils passent au poste pour un rapport bidon juste bon pour les statistiques et un an après au tribunal face à une juge qui dit : c’est pas bien… Non, les flics doivent avoir de vrais moyens.
Quoi par exemple ?
Pas des hélicoptères, mais le droit de faire respecter les règles. A Moscou, personne n’ose toucher un policier, car la population les respecte. Il faut que les patrouilles soient filmées pour éviter les bavures, mais il faut aussi les autoriser à mettre des tartes pour se faire respecter. Mais pour cela, il faut du courage politique et le pouvoir se moque désormais des banlieues car l’urgence sociale s’est étendue depuis à toute la France.P.S. bis : comme décidément le hasard fait bien les choses, on apprend que Sarkozy s'est vu remettre un rapport expliquant que le taux d'application des peines avait baissé pendant son mandat, confirmant ainsi la prédiction que je faisais plus haut sur la base de la relation bien établie entre une politique de répression et le taux de criminalité. Il faut noter au sujet de ce rapport que, si l'on en croit l'article du Figaro, l'augmentation du nombre de places de prison ne fait pas partie des mesures qu'il préconise, alors qu'il s'agit évidemment de la première chose à faire. L'article contient d'ailleurs un graphique qui montre que la France est l'un des pays d'Europe ayant le moins de places de prison, ce qui tend aussi à montrer l'absence d'une véritable politique répressive.
1. Gordon Tullock, "Does Punishment Deter Crime?", The Public Interest, No. 36, Summer 1974, pp. 103-11.
2. Morgan Reynolds, "Does Punishment Deter?", Policy Backgrounder, No. 148, August 17, 1998.
3.Cité par Louis Maurin, "Une répression renforcée fait-elle reculer l'insécurité ?", Alternatives Economiques Hors-série, n° 80, février 2009.
4.Ibid.
5. Bradley R. E. Wright, Avshalom Caspi, Terrie E. Moffitt, Ray Paternoster, "Does the Perceived Risk of Punishment Deter Crimally Prone Individuals? Rational Choice, Self-Control, and Crime", Journal of Research in Crime and Delinquancy, Vol. 41, No. 2, May 2004, pp. 180-213.